La lumière vacillait autour de lui, l’atmosphère lourde de tension. Haruka se tenait au sommet d’une falaise battue par les vents, l’océan noir en contrebas, des vagues battant la roche comme un rythme frénétique. Le ciel semblait se déchirer sous le poids de l'orage à venir, des éclairs déchirant l'horizon. Pourtant, au fond de ses yeux, une calme détermination émergeait.

  J'ai pris ma décision. La pensée était claire et nette, comme une lame de verre coupant l’obscurité de ses doutes.

  Les paroles d’Akira résonnaient encore dans son esprit : Si tu veux vraiment briser ce cycle, si tu veux vraiment nous sauver, tu dois devenir Ka?ron. Mais Haruka savait que ce chemin ne menait pas seulement à la puissance. C'était une route pavée de sacrifices, une route où il risquait de perdre son humanité, sa morale, et peut-être même son ame. Pourtant, il n'avait plus de temps pour hésiter.

  Le vent, qui soufflait déjà violemment, semblait répondre à ses émotions. Il le connaissait bien, ce vent. Il avait appris à l’écouter, à sentir sa force, sa direction, à comprendre ce qu’il signifiait. Aujourd'hui, il ne se contentait pas de sentir la brise légère sur sa peau, mais une tempête intérieure qui grondait tout au fond de lui.

  — Tu as pris la bonne décision, dit une voix calme derrière lui. Haruka se retourna, surprise mais pas effrayée. C'était Akira, toujours aussi fatigué, mais son regard était différent. Il avait vu quelque chose dans les yeux de Haruka, une sorte de nouvelle flamme, un éclat qui disait qu'il n’y avait plus de retour en arrière.

  — Est-ce que tu crois vraiment que c’est ce que je veux ? demanda Haruka d'une voix basse, presque un murmure. Ses mains se crispaient autour de l'écharpe qui flottait autour de son cou, une écharpe qui semblait s’agiter avec une vie propre, guidée par l’énergie qui naissait en lui.

  Akira se rapprocha lentement, ses pas lourds sur le sol rocheux. Il prit une profonde inspiration avant de répondre. Tu n'as pas vraiment de choix. Pas si tu veux que tout ce qui s'est passé ait un sens.

  Haruka le fixa un instant. Il y avait des moments où il se sentait tout à fait seul, mais ce n'était pas l'un de ces moments. Akira l’avait suivi jusque dans cet ab?me, il avait vu la même douleur dans ses yeux et avait pris des décisions qu’Haruka n’osait même pas envisager. La situation était inédite, mais il y avait quelque chose de réconfortant dans la présence d’Akira. Même si leurs convictions divergeaient, il n’était pas seul.

  — Mais qui suis-je, Akira ? demanda Haruka, se retournant à nouveau vers l’horizon. Si je deviens Ka?ron, qui vais-je devenir ?

  Akira s'arrêta à quelques mètres de lui, les yeux sombres. C'est ?a, le problème. Sa voix était douce, mais dure à la fois. Nous avons été fa?onnés par ce monde. Mais, à ce moment précis, tu as l'opportunité de choisir ton propre chemin. Tu peux décider de ce que tu veux être. Mais, si tu choisis de devenir Ka?ron, tu accepterais la responsabilité de cette transformation. Il fit une pause, scrutant le ciel. Personne ne peut savoir ce que l’on devient en cours de route. Pas même Ka?ron lui-même.

  Un frisson parcourut Haruka, mais il serra les dents. C’est ce que je veux, Akira. Ce n'est pas juste la lutte contre Ka?ron. C’est aussi la fin de ce cycle. Il faut qu’il s’arrête.

  Les mots qu’il pronon?a étaient simples, mais ils contenaient une profondeur que même lui ne mesurait pas encore totalement. La fin de ce cycle... pensait-il. Peut-être que ce monde avait déjà été détruit et reconstruit plus de fois qu’il ne le savait. Peut-être que tout ce qu’il avait vécu jusqu’à présent n’était qu’une répétition d'événements, une boucle sans fin orchestrée par Ka?ron. Ce monde avait un prix. Et il allait devoir le payer.

  — Je comprends ce que tu veux dire. Akira tourna lentement la tête vers lui, son visage grave. Mais tu dois savoir que ce n’est pas un acte de rébellion contre Ka?ron. C’est une forme d'acceptation. En devenant lui, tu accepteras la réalité qu’il a construite. Et ce monde deviendra le tien. Mais il ne faut pas perdre de vue l’objectif. Tu deviens Ka?ron, mais pour le détruire.

  Haruka hocha la tête, un petit sourire se formant sur ses lèvres, triste et résigné. Ce n’est pas ce que je voulais au départ. Mais, je n’ai plus de choix.

  — Tu en as toujours un. La voix d'Akira se fit plus douce, presque compatissante. Il existe toujours une autre voie. Mais je sais que tu feras ce que tu crois juste. Il se tourna vers l’horizon, observant les nuages sombres qui semblaient se concentrer au-dessus de la mer agitée. Alors, prépare-toi, Haruka. Prépare-toi à tout.

  Haruka prit une profonde inspiration, sentant l'air lourd autour de lui. Chaque mouvement de l’atmosphère semblait lui parler, lui donner des indications, lui murmurer des avertissements. Il ferma les yeux et concentra toute son énergie sur l'étendue du ciel qui s’étendait devant lui. Je dois contr?ler ce pouvoir. Ses mains se levèrent lentement, paumes ouvertes vers le ciel, alors qu'il se concentrait sur l'énergie autour de lui. Il ressentait les courants d’air, la foudre, le vent. Tout semblait en harmonie, mais c’était plus qu’une simple communion avec les éléments. Il sentait aussi Ka?ron, là-bas, quelque part, observant chaque mouvement, chaque pensée.

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  Les éclairs commencèrent à se concentrer autour de lui. Un murmure électrique parcourut son corps, et il sentit la puissance qui grandissait en lui. Le pouvoir de Ka?ron. Il pouvait le toucher, le sentir, mais il savait aussi que ce pouvoir était loin d’être un cadeau. C’était une malédiction déguisée.

  — Es-tu prêt ? demanda Akira, une inquiétude palpable dans sa voix.

  Haruka serra les poings. Je n’ai plus le choix. Il se tourna vers Akira, la résolution maintenant gravée dans ses yeux. Je vais faire ce qu’il faut pour sauver ce monde. Je vais devenir ce qu’il faut pour que ce cycle cesse.

  Akira ne répondit rien, mais ses yeux étaient pleins de compréhension. Il savait qu'Haruka avait franchi un seuil. Ce n’était pas une simple lutte pour le pouvoir, ni une simple quête de vengeance. Haruka avait compris que son pouvoir n'était pas un cadeau. Il était une arme, et comme toute arme, il devait être ma?trisé avec sagesse.

  Le vent s’intensifia soudainement, des éclairs frappant le sol autour d’eux. La tempête, à la fois extérieure et intérieure, était sur le point de se décha?ner.

  Haruka ferma les yeux une dernière fois. J'accepte ce pouvoir. Je ferai face à Ka?ron. Je deviendrai celui qui mettra fin à ce cycle.

  La lumière du rituel s’était dissipée depuis longtemps, mais ses échos vibraient encore dans l’air. Haruka ouvrit lentement les yeux, le souffle court. Il était à genoux, ses mains enfoncées dans la terre noire et craquelée de la Plaine du Jugement, le lieu de sa “renaissance”.

  Une étrange sensation l’habitait. Pas une douleur. Pas une fatigue. Quelque chose de plus... lourd. Comme si le ciel entier reposait désormais sur ses épaules. La puissance de Ka?ron n’était pas une chose qu’on possédait. C’était une force vivante, mouvante, brutale, qui cherchait à imposer sa volonté à son h?te.

  "Je ne suis pas toi," pensa-t-il, les dents serrées. "Je te prends ce pouvoir… mais je reste Haruka Amemiya."

  à ses c?tés, Akira observait en silence. L’ancien rival savait que les prochains jours seraient décisifs. Ka?ron ne laisserait pas Haruka s’approprier son héritage sans réagir. Et déjà, les premiers signes d’opposition apparaissaient.

  Un grondement sourd retentit au loin. Le ciel se fissura, déchiré par des traits de lumière rouge. Haruka se releva péniblement, sa vision encore floue. Devant lui, l’horizon semblait bouillir. Le sol tremblait.

  — Ils arrivent, dit Akira d’une voix grave. Les premiers envoyés. Ka?ron veut te tester.

  — Des adversaires ? souffla Haruka, redressant les épaules.

  — Pas seulement. Des vestiges. Des anciens élus. Ceux qui ont refusé, comme toi. Ceux qui ont échoué. Et ceux... qui ont accepté.

  Un silence pesant tomba entre eux.

  Puis la terre explosa.

  Une silhouette jaillit des flammes, traversant les fumées d’un bond surhumain. Haruka leva les bras par réflexe et une barrière d’air se matérialisa autour de lui. L’ennemi frappa, et l’impact fit vibrer l’air comme une cloche immense.

  Bang.

  Le choc repoussa Haruka sur plusieurs mètres. Il roula au sol, se releva aussit?t, une décharge de foudre courant déjà sur ses bras.

  Face à lui, un homme se tenait immobile. Il avait l’apparence d’un adolescent de son age, mais son regard était vide, éteint.

  — ...Tu es qui ? demanda Haruka, la voix dure.

  — Je suis toi, répondit-il simplement. Un Haruka d’un monde précédent. Celui qui a accepté, puis sombré. Ka?ron m’a gardé comme avertissement.

  Une douleur sourde serra la poitrine de Haruka. Il le savait au fond de lui : Ka?ron n’offrait pas de salut. Juste des reflets brisés de ceux qu’il avait autrefois tentés.

  — Tu veux m’arrêter ?

  — Je suis ici pour te tuer. Et si je ne peux pas… alors je te remplace.

  L’air explosa.

  Le combat s’engagea dans une débauche de lumière et de tonnerre. Haruka fit tournoyer ses bras, appelant la foudre à lui comme une extension de sa volonté. Chaque éclair qu’il lan?ait se tordait dans l’air, précis, furieux, mais son adversaire esquivait avec une grace inhumaine.

  Le clone – non, le vestige – avan?ait lentement, chaque pas creusant le sol sous lui. Il leva la main, et une sphère de foudre rouge crépita dans sa paume. Haruka tenta de se défendre, mais trop tard – l’impact le projeta contre un rocher, sa chair br?lée, son souffle coupé.

  C’est ?a, le prix ? pensa-t-il, du sang aux lèvres. Combattre des versions de moi-même jusqu’à la folie ?

  Mais au fond de lui, une voix plus ancienne, plus froide, murmurait : Tu es mon successeur. Relève-toi, ou tu redeviens poussière.

  Haruka serra les poings. Il se redressa lentement, les éclairs tourbillonnant autour de lui. Sa respiration se régula. Et pour la première fois depuis l’arrivée de ce vestige, il ne chercha pas à attaquer.

  — Tu n’as pas pu briser le cycle, pas vrai ? lan?a-t-il, calmement.

  Le vestige ne répondit pas.

  — Tu t’es laissé corrompre, bouffer par ce pouvoir. C’est pour ?a que tu es là, en train de jouer les marionnettes.

  Toujours aucun mot.

  Alors Haruka fit quelque chose d’inattendu. Il ferma les yeux. Et relacha toute sa puissance.

  Les éclairs s’éteignirent. Le vent se calma. Le silence revint.

  — Si tu veux me tuer, vas-y. Mais sache une chose : ce n’est pas le pouvoir de Ka?ron qui me guide. C’est ce que j’en fais.

  Le vestige hésita. Juste une fraction de seconde. Mais ce fut suffisant.

  Haruka rouvrit les yeux. Dans un éclair d’une précision chirurgicale, il frappa. Non pas pour tuer. Mais pour sceller.

  Une cage de foudre se forma autour de l’adversaire, refermant l’espace, le figeant.

  Le vestige hurla, luttant contre la barrière, mais Haruka était prêt. Il scella le fragment d’ame qui animait ce double, le ramenant dans le néant.

  Akira s’approcha.

  — Tu ne l’as pas détruit ?

  — Non. C’était une version de moi. Un avertissement. Mais il ne méritait pas la destruction.

  Akira resta silencieux. Puis hocha la tête.

  Mais déjà, d’autres présences approchaient. Des énergies multiples, puissantes, incontr?lées.

  — Ce n’était que le premier, hein ?

  — Oui. répondit Akira. Ka?ron enverra d’autres fragments. D’autres “toi”. Et bient?t... les autres élus viendront aussi.

  Haruka ferma les yeux.

  Il venait à peine de commencer.

  Mais cette fois, il n’était plus une victime.

  Il était l’élu qui allait détruire le Dieu.