Le vent soufflait avec une violence inou?e, comme si la terre elle-même se rebellait contre l'intrus qui osait troubler son silence séculaire. Haruka, le c?ur battant à tout rompre, se tenait face à Ka?ron, l'entité qui avait fa?onné ce monde, manipulé les ames et orchestré la souffrance de tant d'êtres. Les ruines autour d'eux semblaient se replier, comme si elles étaient conscientes de l'ampleur de l'instant.
Ka?ron, ou ce qu'il en restait, s'avan?a lentement, ses yeux brillants d'une lueur malsaine. Son corps, autrefois humain, était désormais une fusion grotesque de chair et d'énergie noire, une entité qui transcendait les limites de la compréhension humaine.
"Tu penses pouvoir m'arrêter, Haruka Amemiya?" sa voix résonna dans l'air, emplie de mépris. "Tu n'es qu'un pion, une marionnette dans un jeu bien plus vaste que tu ne peux l'imaginer."
Haruka serra les dents, ses mains crépitant d'énergie. "Je ne suis pas un pion. Je suis le dernier espoir de ce monde. Et je vais te stopper."
Un éclair jaillit de ses mains, frappant Ka?ron de plein fouet. Mais l'entité ne bougea pas. Au contraire, elle sembla absorber l'attaque, son sourire s'élargissant.
"Tu ne comprends toujours pas, n'est-ce pas?" dit-il, sa voix s'adoucissant. "Je ne suis pas ton ennemi. Je suis le reflet de ce que tu es devenu. Nous sommes liés, Haruka. Par le sang, par le sacrifice."
Haruka recula, déstabilisé. "Qu'est-ce que tu racontes?"
Ka?ron leva une main, et une vision apparut devant Haruka. Il vit un jeune homme, un autre élu, se sacrifiant pour sauver des innocents. Ce sacrifice, ce geste d'amour et de dévouement, avait été la clé de la transformation de cet homme en Ka?ron.
"Je n'ai pas choisi ce chemin," expliqua l'entité. "J'ai été fa?onné par le sacrifice. Par le désir de protéger, de sauver. Mais ce désir m'a consumé, m'a transformé en ce que je suis aujourd'hui."
Haruka, les yeux écarquillés, comprit enfin. "Tu... tu as été un héros. Comme moi."
"Oui," répondit Ka?ron. "Mais le sacrifice, même noble, peut corrompre. Il peut détruire. Et c'est ce qui m'est arrivé."
Le vent s'intensifia, emportant les dernières paroles de Ka?ron. Haruka, le c?ur lourd, baissa les bras. Il comprenait maintenant. Mais cela ne changeait rien. Il devait agir. Pour lui. Pour les autres. Pour le monde.
"Je vais te stopper," dit-il, sa voix ferme. "Peu importe ce que tu étais. Peu importe ce que tu es devenu. Je vais te stopper."
Un éclair jaillit de ses mains, frappant Ka?ron une nouvelle fois. Cette fois, l'entité chancela, vacillant sous l'impact. Mais elle ne tomba pas. Elle se redressa lentement, son regard fixé sur Haruka.
"Tu as du courage," dit Ka?ron, sa voix emplie de respect. "Mais cela ne suffira pas."
Et alors, dans un éclat de lumière, Haruka se lan?a à l'attaque, déterminé à mettre fin à ce qui avait commencé bien trop longtemps auparavant.
Haruka s’écroula à genoux, haletant. Le sol sous lui vibrait encore des rémanences de l’affrontement. L’ombre de Ka?ron s’était repliée, fuyante comme une lame de brume au soleil, mais il le savait : ce n’était pas une victoire. C’était une pause.
Autour de lui, les ruines frémissaient, chargées d’une énergie qui semblait ancienne et agitée par le réveil de leur gardien oublié. Les pierres, les symboles gravés dans les murs, tout semblait le regarder désormais.
Le médaillon, toujours chaud dans sa main, brillait plus fort qu’avant. Sa lumière pulsait lentement, comme un c?ur battant. Il n’avait pas simplement servi à ouvrir la voie : il réagissait à ce lieu.
— Tu n’étais pas censé survivre à ?a, souffla une voix dans son dos.
Haruka se retourna brusquement, les sens en alerte. C’était Akira, suivi de Mizuki, qui venait de franchir le seuil du portail. Mizuki titubait légèrement, les yeux encore troubles.
— Comment êtes-vous arrivés jusqu’ici ? demanda Haruka, surpris.
— Le médaillon a deux liens, répondit Akira. Tu portes l’un… et Mizuki l’autre.
Haruka baissa les yeux. La jeune femme portait désormais autour du cou un fragment identique, bien que craquelé. Il comprit immédiatement : ces médaillons étaient des vestiges d’un ancien équilibre. Un rappel que l’union de plusieurs fragments pouvait ouvrir bien plus qu’une simple porte.
— Le combat est fini ? demanda Mizuki, d’une voix faible.
— Non, dit Haruka, le regard dur. Il ne faisait que commencer.
Ils avancèrent ensemble dans le c?ur du sanctuaire. Un escalier circulaire descendait vers les entrailles de la terre. Chaque marche semblait aspirer un peu plus la lumière autour d’eux. Aucun d’eux ne parla. Même Akira, d’ordinaire plus bavard, gardait le silence, fasciné par l’aura mystique de ce lieu.
Après ce qui sembla une éternité, ils débouchèrent dans une salle immense. Des colonnes brisées, des fresques effacées par le temps… Et au centre, une structure singulière : un cercle de miroirs dressés en arc, tous orientés vers un piédestal. Neuf au total.
Haruka s’approcha, le souffle court. Les miroirs n’étaient pas faits de verre ordinaire. Ils brillaient, palpitants comme s’ils étaient vivants. Lorsqu’il tendit la main vers l’un d’eux, son reflet vacilla, remplacé par une version différente de lui-même — plus jeune, plus fragile.
— Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? demanda Mizuki, les yeux écarquillés.
Akira s’était arrêté net. Il fixait le miroir à sa droite. Son propre reflet le regardait… mais il avait les yeux noirs d’un avatar corrompu.
— Ce sont des fragments de réalité, murmura Haruka. Des possibles. Des futurs. Ou des échos de passés perdus. La Chambre des Miroirs. Je l’ai vue… dans les souvenirs du Fragment.
Il se tourna vers ses amis.
— C’est ici que Ka?ron a fait son premier sacrifice. Ici que sa transformation a commencé.
Une gravure sur le piédestal confirma ses paroles. En lettres anciennes, mais toujours lisibles, étaient inscrits ces mots :
“Celui qui regarde en lui-même n'y verra que reflets. Celui qui regarde à travers... deviendra le miroir.”
Haruka posa le médaillon dans l'encoche centrale du socle. Un grondement sourd secoua la salle. Lentement, les neuf miroirs se mirent à vibrer. Leurs surfaces se déformèrent, et une lumière blanche les relia tous d’un seul trait. Puis, au centre, une brume apparut.
Pas une brume naturelle, non. C’était une mémoire condensée. Une illusion presque réelle.
Ils virent un homme agenouillé — jeune, troublé, les cheveux clairs et le regard perdu. Autour de lui, neuf autres figures l’encerclaient. Des silhouettes encapuchonnées, chantant dans une langue oubliée. Puis, sans un mot, ils tendirent leurs mains, et une lueur s’échappa de leurs poitrines pour venir fusionner avec le jeune homme.
Celui-ci hurla. Son corps se tendit, se tordit, et lentement, son ombre s’étira derrière lui, prenant une forme monstrueuse.
— C’est lui… murmura Mizuki. C’est Ka?ron, avant la transformation.
Haruka sentit une douleur aigu? dans sa poitrine. Il comprenait, à présent. Ce n’était pas seulement un lieu de naissance. C’était une salle de fusion. De convergence.
Les miroirs, tous ensemble, formaient un réseau de réalités liées par l’esprit. C’était là que Ka?ron avait puisé sa première force : en absorbant les fragments d’autres élus, consentants ou non.
Mais il y avait autre chose. Haruka le voyait dans l’image, dans les gestes du rituel. Ka?ron n’avait pas cherché à devenir un tyran. Il avait voulu contenir quelque chose. Empêcher une force plus ancienne de revenir.
— Et s’il n’était pas le premier à avoir tenté ?a ? dit Haruka à voix haute.
Akira fron?a les sourcils.
— Tu veux dire… qu’il n’est que le dernier d’une lignée ? Une répétition d’un cycle plus ancien encore ?
Haruka hocha la tête.
— La faille que je suis… elle ne s’est pas ouverte par hasard. Quelqu’un, ou quelque chose, veut que ce cycle se brise.
Il s’avan?a vers les miroirs.
— Et je vais en avoir le c?ur net.
Il posa ses deux mains sur le miroir central.
Aussit?t, une force le projeta en arrière. Mais ce n’était pas une attaque : c’était une fusion d’informations. En une fraction de seconde, Haruka vit des dizaines de souvenirs. Des élus d’époques passées. Des visages oubliés. Des civilisations entières englouties sous le poids de ce pouvoir.
Et toujours… une constante : un sacrifice. Volontaire. Pour enfermer quelque chose.
Quelque chose qui s’éveillait à nouveau.
Il revint à lui, en sueur, les yeux br?lants.
— Ce n’est pas Ka?ron, dit-il. Ce n’est même pas moi. Il y a quelque chose d’enfoui sous tout ?a. Une entité… une conscience qui attend d’être libérée.
— Et les miroirs ? demanda Akira.
— Ce sont les sceaux. Chacun d’eux contient une partie de cette conscience. Si Ka?ron les a réunis, c’était pour la piéger à nouveau. Ou… pour l’assimiler.
Un silence lourd s’abattit dans la pièce.
— Il faut empêcher quiconque d’accéder à ces miroirs, dit Mizuki d’une voix ferme. S’ils tombent entre de mauvaises mains…
Haruka se releva, le regard dur.
— Il est trop tard pour les cacher. Mais peut-être… qu’on peut les utiliser.
Akira leva les yeux vers lui.
— Pour quoi ?
— Pour comprendre ce que Ka?ron voulait vraiment… et pour trouver comment le vaincre.
Un craquement se fit entendre derrière eux. Quelque chose venait d’entrer dans la salle.
Une nouvelle épreuve s’annon?ait déjà.