Assis sous le grand saule, Zhi Huo laissa son regard se perdre dans les branches qui oscillaient doucement au gré du vent. Les voix des autres candidats résonnaient autour de lui, pleines d'excitation et d'anxiété. Certains débattaient déjà des moyens d'impressionner les examinateurs, d'autres répétaient des discours savamment préparés.
Il ferma les yeux un instant, laissant un sourire fugace appara?tre sur son visage.
"Je dis que la force est un outil, alors que tout le monde l'utilise comme une fin en soi. C'est toujours amusant de voir à quel point les gens s'y accrochent. Ils en font une obsession, une justification, une raison d’exister… Et pourtant, au final, que leur reste-t-il une fois qu'ils l'ont obtenue ?"
Il rouvrit lentement les yeux, observant la cour animée de l'Académie. Ici, comme partout ailleurs, l'équilibre du pouvoir régissait tout. Même dans un lieu dédié à la connaissance, c’était la force qui définissait la hiérarchie. Les élèves les plus talentueux étaient vénérés, les puissants étaient craints, et ceux qui ne pouvaient suivre étaient oubliés.
Zhi Huo passa une main dans sa manche et en sortit un parchemin. L'inscription était imminente. Il se leva lentement, jetant un dernier regard au grand saule avant de se diriger vers le hall principal.
Le soleil atteignait son zénith lorsque l’examen débuta enfin. Une grande cloche résonna dans toute l’académie, signalant aux candidats de se rassembler dans la vaste cour intérieure. Devant eux, une estrade surélevée avait été installée, où plusieurs professeurs étaient assis, observant les participants avec des expressions neutres.
Un homme à la barbe grisonnante, vêtu d’une robe d’enseignant aux couleurs de l’académie, se leva et prit la parole d’une voix claire :
"Bienvenue à tous. L’examen d’entrée pour devenir professeur à l’Académie des Brumes écarlates va commencer. Cet examen se déroulera en trois étapes : une évaluation écrite, une démonstration pédagogique et enfin une épreuve pratique d’adaptation en classe."
Un murmure parcourut les rangs des candidats. Certains semblaient confiants, d’autres nerveux. Zhi Huo, lui, resta impassible, ses yeux suivant calmement les réactions des autres sans montrer la moindre émotion.
Le professeur poursuivit :
"La première épreuve, l’évaluation écrite, commencera immédiatement. Des tables ont été installées sous le pavillon principal. Vous aurez une heure pour répondre aux questions qui testeront votre compréhension des fondamentaux de l’enseignement et de la culture générale."
Des assistants distribuèrent alors des parchemins et conduisirent les candidats vers la salle d’examen. Zhi Huo suivit le mouvement sans précipitation, prenant place à l’une des tables.
Lorsque le parchemin fut déposé devant lui, il jeta un bref regard aux questions. Elles portaient sur des sujets variés : la théorie des arts martiaux, l’histoire des grandes dynasties, la philosophie de l’enseignement.
Il prit son pinceau, trempa la pointe dans l’encre et commen?a à écrire avec fluidité, comme si ces questions n’étaient qu’une formalité.
Zhi Huo parcourut le parchemin une dernière fois, son pinceau suspendu au-dessus de l’encre. Il pouvait facilement répondre à chaque question avec précision, mais ce n’était pas son objectif.
Il laissa échapper un léger soupir avant de commencer à écrire, mais avec une approche délibérément modérée. Il répondit à certaines questions de manière correcte mais sans brillance, ajouta quelques erreurs mineures ici et là, et laissa même quelques réponses incomplètes. Il savait exactement quel niveau adopter pour appara?tre comme un professeur compétent, mais sans se démarquer.
Autour de lui, certains candidats fron?aient les sourcils, mordillant le bout de leur pinceau en cherchant leurs réponses. D’autres griffonnaient avec ferveur, visiblement déterminés à impressionner le jury.
Après une trentaine de minutes, Zhi Huo posa calmement son pinceau. Il avait terminé ce qu’il souhaitait écrire et passa le reste du temps à observer la salle. Il voyait ceux qui trichaient discrètement, ceux qui transpiraient de stress, et ceux qui semblaient confiants.
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Lorsque l’heure s’écoula, un assistant passa récupérer les parchemins.
"Le temps est écoulé. Veuillez rester en place pendant la correction."
Les examinateurs commencèrent immédiatement à lire les réponses sous les yeux attentifs des candidats. Zhi Huo savait déjà que son résultat serait suffisant pour passer à l’épreuve suivante, sans attirer l’attention.
Il se cala contre le dossier de sa chaise, attendant la suite.
Le silence régnait dans la salle tandis que les examinateurs parcouraient les copies. De temps à autre, un froncement de sourcils ou un hochement de tête indiquait leur jugement silencieux.
Zhi Huo, quant à lui, restait impassible. Il savait exactement quel résultat il obtiendrait : suffisant pour être accepté, mais pas assez brillant pour attirer l'attention.
Après une attente qui sembla interminable pour certains candidats, l'un des examinateurs, un vieil homme au regard sévère, se leva.
"Voici les résultats de la première épreuve. Seuls ceux qui ont obtenu un score satisfaisant pourront passer à l’épreuve suivante."
Un assistant commen?a à énoncer les noms, et Zhi Huo écouta distraitement. Comme prévu, son nom fut appelé sans la moindre emphase, comme un simple candidat parmi d'autres.
Les recalés quittèrent la salle en silence, certains abattus, d'autres visiblement furieux.
"Passons maintenant à la seconde épreuve," annon?a l'examinateur principal. "Vous allez être évalués sur vos compétences en enseignement. Chaque candidat devra donner une courte le?on sur un sujet de son choix. Vous avez quelques minutes pour vous préparer."
Zhi Huo esquissa un léger sourire.
Intéressant.
Il se leva calmement, prêt à faire face à cette nouvelle étape.
Les candidats se dispersèrent légèrement, certains murmurant entre eux, d’autres feuilletant nerveusement des parchemins, tentant d’organiser leurs pensées avant leur passage.
Zhi Huo, lui, ne fit rien. Il croisa les bras et attendit patiemment.
L’examinateur principal tapa dans ses mains.
"Bien. Nous allons commencer. Chaque candidat disposera de dix minutes. Nous jugerons votre capacité à transmettre des connaissances de manière claire et engageante."
L’un après l’autre, les aspirants professeurs furent appelés. Certains expliquèrent des principes fondamentaux des arts martiaux, d’autres s’attardèrent sur la théorie des flux de Qi. Certains tentaient d’impressionner, d’autres jouaient la prudence.
Enfin, vint le tour de Zhi Huo.
Il s’avan?a calmement, son regard balayant la salle avec une sérénité déconcertante.
"Quel est ton sujet ?" demanda un examinateur.
Zhi Huo posa ses mains derrière son dos et répondit d’un ton naturel :
"La fragilité des certitudes."
Un léger brouhaha s’éleva parmi les candidats et les examinateurs. L’un d’eux fron?a les sourcils.
"Explique."
Zhi Huo balaya la salle du regard, puis se tourna vers un candidat au premier rang.
"Quel est l’objet le plus dur au monde ?"
Le candidat sembla hésiter avant de répondre :
"Le diamant spirituel."
Zhi Huo hocha la tête.
"Et pourtant, face aux flammes cosmiques, il fond instantanément."
Il se tourna vers un autre candidat.
"Quelle est la plus grande vérité de ce monde ?"
Le candidat répondit sans hésitation :
"Seul le pouvoir compte."
Zhi Huo esquissa un sourire.
"Et pourtant, combien d’êtres puissants ont été détruits non par la force, mais par leur propre arrogance ?"
Un silence s’installa dans la salle.
"Ce que nous croyons solide ne l'est que jusqu'à ce qu'une force supérieure le contredise. Ce que nous pensons être une vérité ne l'est que jusqu'à ce qu'une nouvelle perspective l'ébranle."
Il marqua une pause.
"Si vous vous accrochez trop à vos certitudes, elles deviendront votre prison. Un esprit libre ne cherche pas des réponses définitives, il apprend à danser avec l’incertitude."
Il fit un pas en arrière.
"Ma le?on est terminée."
Les examinateurs échangèrent des regards troublés. Ce n’était ni une démonstration de connaissances techniques, ni un cours conventionnel.
Mais aucun ne pouvait nier que, l’espace d’un instant, toute la salle était suspendue à ses paroles.
Un silence pesant s'installa dans la salle après les paroles de Zhi Huo. Les examinateurs échangèrent des regards, incertains de la manière dont ils devaient évaluer cette performance.
L'un d'eux, un homme à la barbe grisonnante, se racla la gorge avant de demander :
"Vous n'avez donné aucune théorie, aucune méthode d'enseignement concrète. Pensez-vous qu'un professeur puisse se contenter de philosopher sans transmettre de savoir précis ?"
Zhi Huo croisa les bras, un léger sourire sur les lèvres.
"Un professeur est là pour guider, pas pour imposer. Si un élève ne remet jamais en question ce qu'il apprend, il ne fait que répéter sans comprendre."
L'examinateur fron?a les sourcils.
"Alors, selon vous, peu importe la connaissance, tant que l'élève doute et réfléchit ?"
Zhi Huo haussa légèrement les épaules.
"La connaissance brute n'est qu'un outil. Ce qui importe, c'est la manière dont on l'utilise. Un élève qui comprend cela surpassera toujours celui qui ne fait que mémoriser."
Un autre examinateur, une femme d'age m?r, prit la parole d'un ton plus posé :
"Vos paroles sont intéressantes, mais cela ne change pas le fait que nous devons évaluer votre capacité à enseigner. Dites-moi, si vous deviez expliquer à une classe de débutants comment condenser leur Qi, comment vous y prendriez-vous ?"
Zhi Huo fit mine de réfléchir un instant, puis répondit :
"Je leur demanderais d'abord ce qu'ils pensent savoir sur le sujet. Ensuite, je leur ferais réaliser qu'ils n'ont jamais vraiment ressenti leur propre énergie, seulement des explications extérieures. Puis, je leur donnerais un exercice simple : écouter leur propre souffle, sentir leur propre circulation interne. Pas de théorie inutile. Juste l'expérience brute."
Les examinateurs restèrent silencieux un moment. Ce n'était pas la réponse la plus conventionnelle, mais elle était indéniablement efficace.
L'examinateur à la barbe grisonnante soupira.
"Très bien, nous avons entendu ce que nous devions entendre. Vous pouvez vous retirer."
Zhi Huo inclina légèrement la tête et quitta la salle sous le regard intrigué des autres candidats.
Derrière lui, les examinateurs commencèrent à délibérer.