Depuis ma majorité, la vie n’avait été qu’une série d’épreuves continues. Chaque journée ressemblait à une bataille silencieuse, une lutte perpétuelle contre un ab?me invisible. à chaque épreuve, une lassitude s’ajoutait, une pierre invisible alourdissait mon c?ur. Mais dans cette tempête, Lina était mon phare. Elle était ma bouée, mon souffle, celle qui maintenait mes espoirs à flot quand tout mena?ait de sombrer.
Ensemble, nous avions tout quitté : familles, confort, certitudes. Nous avions choisi de batir notre propre refuge, loin des jugements et des attentes. Ce refuge, c’était un modeste appartement dont chaque recoin racontait une part de nos rêves. Les murs, bien que ternes, portaient la chaleur de nos éclats de rire et de nos efforts communs. Ce lieu simple n’était pas un palais, mais c’était notre sanctuaire, un univers où seuls nos c?urs régnaient.
Les matins avaient une douceur apaisante. à travers les rideaux élimés, les rayons du soleil pénétraient délicatement, habillant l’appartement d’une lumière dorée. Ce spectacle ordinaire nous donnait l’illusion, même brève, d’un équilibre fragile mais suffisant. Pourtant, derrière cette sérénité, une vérité froide s’imposait : cet équilibre reposait sur des compromis précaires, des décisions que nous n’osions pas remettre en question.
Malgré cette apparence de bonheur, les tensions couvaient, invisibles mais tangibles. Ma mère, obstinée et sévère, n’avait jamais accepté Lina. à ses yeux, elle était une entrave, un boulet attaché à mes ambitions. Dans son monde rigide, il n’y avait pas de place pour les compromis. ? Soit on avance, soit on reste en arrière ?, répétait-elle souvent. Et pour elle, Lina appartenait irrémédiablement à cette seconde catégorie.
Peut-être que ce rejet venait d’une ressemblance qu’elles refusaient de reconna?tre : deux esprits farouches, deux flammes qui br?laient pour leurs convictions. Mais malgré leurs conflits, j’avais choisi Lina. Elle était mon pilier. Quand tout autour semblait s’effondrer, elle restait là, forte et inébranlable, même si parfois, je voyais une fissure, une ombre dans son sourire.
Les jours s’étiraient interminablement, et chaque instant semblait peser un peu plus lourd sur mes épaules. Entre mes études en psychologie, une série de petits boulots mal payés, et les regards réprobateurs de ceux qui croyaient tout savoir, la vie devenait une épreuve d’endurance. Pourtant, je tenais bon. Je me raccrochais à une illusion de contr?le : comprendre le fonctionnement des esprits humains me donnait l’impression d’avoir une prise, même minime, sur le chaos de ma propre existence. Mais plus je creusais dans ces méandres, plus je découvrais l’ampleur du désordre qui s’étendait en silence autour de moi.
Lina, de son c?té, portait son propre fardeau. Elle ne se plaignait jamais, mais je voyais la fatigue dans ses yeux. Parfois, elle m’observait avec cette expression indéchiffrable, mélange de tendresse et de tristesse. Nous vivions dans un équilibre instable, deux funambules avan?ant sur un fil tendu au-dessus d’un vide immense. Et malgré tout, elle souriait. C’était sa manière de me dire qu’elle croyait encore en nous, en nos rêves, même lorsque le monde semblait conspirer pour nous écraser.
Le soir, après des journées harassantes, nous trouvions refuge dans notre univers parallèle : un MMORPG qui nous offrait une liberté que la réalité refusait. Là-bas, nous étions libres de tout créer. Lina et moi passions des heures à explorer des territoires inconnus, à construire des royaumes, à réécrire nos propres histoires.
Un soir, après une longue session de jeu, elle se tourna vers moi avec ce regard brillant de créativité qui me fascinait toujours.
? Tu sais quoi ? ?
dit-elle en étouffant un baillement.
Je levai un sourcil, curieux.
? On devrait créer un endroit qui nous ressemble vraiment. Quelque chose d’unique, juste à nous. Loin du chaos des autres joueurs. J’en ai marre de voir tout ce qu’on construit être détruit en un clin d’?il. ?
J’éclatai de rire, plus pour détendre l’atmosphère que par réelle moquerie.
? C’est le destin de tous les royaumes, non ? Rien ne dure, même dans ce monde. ?
Elle plissa les yeux, légèrement vexée par mon ton, et je me hatai d’ajouter, plus sérieux :
? Mais si tu veux t’entêter à batir un sanctuaire, allons-y. Voyons combien de temps il tiendra. ?
C’était une idée folle, presque enfantine, mais elle réveilla quelque chose en moi. Ce sanctuaire devint notre projet. Pendant des semaines, nous fa?onnames ce territoire virtuel avec un soin méticuleux, pièce par pièce, pixel après pixel. Lina imaginait les contours du paysage, tandis que je m’occupais des détails techniques.
Tout commen?a par une forêt dense, presque impénétrable, enveloppée d’un brouillard mouvant qui semblait vivant. Ses arbres colossaux, hauts comme des cathédrales, formaient une barrière naturelle, protectrice et intimidante. Au c?ur de ce domaine, nous installames un lac cristallin, si pur que la nuit, il reflétait chaque étoile du ciel. C’était comme contempler un univers en miniature.
Mais le joyau de notre sanctuaire était un chateau majestueux perché sur une colline, dominant toute la vallée. Ses tours élancées semblaient vouloir défier les cieux, et ses murs, ornés de runes mystérieuses, vibraient d’une énergie que nous ne comprenions pas pleinement. Ce chateau n’était pas seulement une forteresse. C’était un symbole de nos aspirations, un lieu où nous pouvions projeter un idéal que le monde réel semblait nous refuser.
Un soir, tandis que nous admirions le fruit de nos efforts, je lui demandai, presque par jeu :
? Tu crois que cet endroit pourrait exister quelque part ? ?
Lina resta silencieuse un instant, les yeux fixés sur l’écran. Puis, un sourire énigmatique étira ses lèvres.
? Peut-être que dans un autre monde, il existe déjà. ?
Je ris doucement, amusé par sa réponse typiquement mystérieuse. Mais au fond de moi, une idée germait. Et si elle avait raison ? Et si, d’une manière ou d’une autre, nous recréions un souvenir enfoui, quelque chose de bien plus grand que nous ?
Les jours passaient, et Lina semblait plus radieuse que d’habitude, comme si elle portait un secret qu’elle n’était pas encore prête à partager. Un soir, alors que je rentrais tard du travail, je la trouvai assise sur le canapé, plongée dans la lumière vacillante de notre lampe de chevet. Elle triturait nerveusement un coin de son pull, un geste familier qui trahissait une hésitation.
Je m’assis à ses c?tés, intrigué par son air inhabituellement grave. Elle prit une profonde inspiration avant de murmurer doucement :
? Aelion... j’ai quelque chose à te dire. ?
Son ton était si sérieux que mon c?ur se serra. était-ce une mauvaise nouvelle ? Avait-elle perdu espoir en nous ?
Elle prit ma main dans la sienne, ses doigts légèrement tremblants.
? Je suis enceinte. ?
Le silence qui suivit ces mots fut assourdissant. Le monde sembla s’arrêter, suspendu à cette annonce qui changeait tout. Pendant un instant, je restai figé, incapable de réagir, tandis que mon esprit tentait de saisir l’ampleur de ce qu’elle venait de dire.
? Tu... tu es s?re ? ?
Balbutiai-je enfin, les yeux embués d’émotion.
Elle hocha doucement la tête, un sourire timide illuminant son visage.
? Oui... je l’ai appris ce matin. ?
Je la pris dans mes bras, submergé par un mélange de joie pure et d’appréhension.
? Lina... c’est incroyable. On va avoir un bébé ? ?
Elle acquies?a, et cette simple confirmation transforma le chaos de ma vie en un moment de clarté absolue. Nous allions devenir une famille.
? Tu as peur ? ?
demanda-t-elle doucement, posant une main sur ma joue.
? Terrifié ?,
avouai-je avec un rire nerveux,
? mais tellement heureux. ?
Nous passames la soirée à parler de l’avenir, de nos rêves pour cet enfant. Amara, comme nous l’avions décidé, serait son prénom si c’était une fille. Cela signifiait ? éternelle ?, un hommage à ce que nous espérions batir pour elle : un amour intemporel, un refuge indestructible.
Les mois qui suivirent cette annonce furent parmi les plus précieux de ma vie. Lina semblait rayonner d’une lumière intérieure, chaque mouvement du bébé renfor?ant son espoir en un avenir meilleur. Malgré les tensions et les défis du quotidien, nous trouvions des moments de répit à partager, des instants suspendus dans le temps où rien d’autre ne comptait.
Les journées étaient ponctuées de conversations sur nos projets pour Amara. Lina adorait imaginer l’avenir, embellissant chaque détail avec une passion débordante.
? Tu crois qu’elle aimera les étoiles ? ?
demandait-elle souvent en caressant son ventre arrondi.
? Je suis s?r qu’elle en conna?tra chaque nom, grace à toi, ?
lui répondais-je, amusé par son enthousiasme.
Un soir, alors que nous étions allongés c?te à c?te, le silence emplit la pièce. Lina posa doucement sa main sur la mienne.
? Aelion… tu crois qu’on sera de bons parents ? ?
Sa question, posée si simplement, résonna dans l’air comme une prière silencieuse.
Je tournai la tête vers elle, plongeant dans ses yeux où une inquiétude profonde brillait.
? Tu seras une mère incroyable, Lina. Quant à moi… je ferai de mon mieux pour ne pas tout gacher. ?
Elle rit doucement, un rire cristallin qui chassa un instant ses doutes.
Lorsque le jour de l’accouchement arriva, j’étais à la fois terrifié et exalté. Chaque minute dans cette salle d’h?pital me semblait une éternité. Je ne savais pas quoi faire, où regarder, ni même comment respirer. Mais Lina, malgré la douleur, gardait cette expression déterminée qui m’avait toujours fasciné.
Et puis, enfin, le premier cri d’Amara retentit. Ce fut comme si le monde entier s’illuminait. L’infirmière me tendit ce petit être fragile, et en la tenant pour la première fois, je ressentis une vague d’émotions indescriptibles. Ses petits doigts s’accrochèrent au mien, et tout mon univers changea.
Lina, épuisée mais radieuse, regardait notre fille avec des yeux remplis d’amour.
? Elle est parfaite, ?
murmura-t-elle, des larmes coulant sur ses joues.
Je me penchai pour embrasser son front, incapable de contenir les miennes.
Amara était notre miracle, un rayon de lumière dans un monde souvent trop sombre. Nous savions que nous n’aurions pas la vie facile, mais à cet instant, rien d’autre n’avait d’importance.
Malheureusement, la réalité nous rattrapa rapidement. Nos familles, déjà réticentes face à notre union, rejetèrent catégoriquement la naissance d’Amara. Ils coupèrent tout contact, nous laissant complètement isolés. Lina, qui avait toujours trouvé la force de sourire malgré les épreuves, commen?a à s’effriter sous le poids des critiques et des responsabilités.
Elle pleurait souvent, tard dans la nuit, pensant que je ne l’entendais pas. J’essayais de la réconforter, mais rien ne semblait suffire. Elle s’éloignait peu à peu, s’enfermant dans une tristesse que je ne comprenais pas totalement.
Un soir, après une journée particulièrement difficile, je rentrai pour trouver l’appartement plongé dans un silence glacial. Amara dormait paisiblement dans sa chambre. Mais une ombre pesante flottait dans l’air.
Je m’approchai de la salle de bain, le c?ur serré sans raison apparente. La porte était entrouverte. Je la poussai doucement.
Et là, tout s’effondra. Lina, suspendue, son corps inerte baigné par la lumière crue du néon.
Un hurlement déchirant s’échappa de ma gorge, un cri de désespoir pur qui semblait n’avoir aucune fin. Mes jambes cédèrent, et je tombai à genoux, incapable de comprendre ce que je voyais. Comment cela avait-il pu arriver ? Pourquoi n’avais-je rien vu venir ?
Je restai là, paralysé, jusqu’à ce que le besoin de protéger Amara me ramène à la réalité. Mon petit miracle. Elle était tout ce qu’il me restait de Lina.
Les années passèrent, mais la douleur ne s’atténua jamais. Chaque sourire d’Amara était un rayon de soleil, mais aussi un rappel poignant de l’absence de Lina. Je faisais de mon mieux pour offrir à ma fille une vie pleine d’amour, mais je savais qu’un vide subsisterait toujours.
Les nuits devinrent de plus en plus courtes. Les visions, ces rêves étranges d’un autre monde, s’imposaient à moi avec une intensité croissante. Je voyais des créatures majestueuses, des lieux d’une beauté surnaturelle, et une voix grave et ancienne qui murmurait mon nom.
Stolen story; please report.
Un jour, après des semaines de pluie incessante, Amara et moi décidames de sortir pour prendre l’air. Le ciel était encore lourd de nuages, mais quelques rayons de soleil timides per?aient à travers. Amara sautait joyeusement dans les flaques d’eau, son rire cristallin éclatant dans l’air humide. Elle n’avait que cinq ans, mais sa joie de vivre était contagieuse.
Soudain, le ciel s’ouvrit dans une explosion de lumière. Un double arc-en-ciel apparut, vibrant de couleurs si intenses qu’elles semblaient irréelles. Le paysage tout entier changea : l’air devint plus dense, chargé d’une énergie que je ne pouvais pas expliquer. Amara s’arrêta net, les yeux écarquillés d’émerveillement.
? Papa, regarde ! ?
s’exclama-t-elle, fascinée.
? C’est magique ! ?
Je levai les yeux, et une vague d’émotions me submergea. Ce n’était pas qu’un simple phénomène naturel. Une voix ancienne, celle qui m’avait hanté dans mes rêves, résonna à nouveau, cette fois plus forte, plus claire, comme si elle venait directement de ces arcs lumineux.
? Mon héritier... Le moment est venu. ?
Les mots vibrèrent en moi, résonnant dans mon ame comme une vérité indéniable. Tout autour de nous, le monde semblait se suspendre, retenu par une force invisible.
Amara se tourna vers moi, sentant le changement dans l’air, même si elle ne pouvait pas en comprendre la portée.
? Papa, qu’est-ce qui se passe ? ?
demanda-t-elle, sa petite voix tremblante d’excitation et d’inquiétude.
Je m’agenouillai devant elle, posant mes mains sur ses épaules pour la rassurer.
? Ne t’inquiète pas, ma petite étoile. Nous allons découvrir quelque chose de merveilleux. Ensemble. ?
Les arcs-en-ciel se mirent à briller de plus en plus intensément, leurs couleurs devenant presque aveuglantes. Une colonne de lumière éclatante jaillit du sol, nous enveloppant dans une chaleur apaisante. Le monde autour de nous commen?a à se déformer, comme si les frontières de notre réalité se dissolvaient.
? Papa ! ?
s’écria Amara, accrochée à moi alors que tout se transformait autour de nous.
Je la serrai contre moi, murmurant doucement pour calmer ses peurs.
? Tout ira bien, Amara. Fais-moi confiance. ?
Alors que la lumière nous engloutissait, je sentis une force incroyable nous traverser, comme si nos corps étaient réécrits, recréés. Ce n’était pas douloureux, mais c’était étrangement intense.
Depuis ma majorité, la vie n’avait été qu’une série d’épreuves continues. Chaque journée ressemblait à une bataille silencieuse, une lutte perpétuelle contre un ab?me invisible. à chaque épreuve, une lassitude s’ajoutait, une pierre invisible alourdissait mon c?ur. Mais dans cette tempête, Lina était mon phare. Elle était ma bouée, mon souffle, celle qui maintenait mes espoirs à flot quand tout mena?ait de sombrer.
Ensemble, nous avions tout quitté : familles, confort, certitudes. Nous avions choisi de batir notre propre refuge, loin des jugements et des attentes. Ce refuge, c’était un modeste appartement dont chaque recoin racontait une part de nos rêves. Les murs, bien que ternes, portaient la chaleur de nos éclats de rire et de nos efforts communs. Ce lieu simple n’était pas un palais, mais c’était notre sanctuaire, un univers où seuls nos c?urs régnaient.
Les matins avaient une douceur apaisante. à travers les rideaux élimés, les rayons du soleil pénétraient délicatement, habillant l’appartement d’une lumière dorée. Ce spectacle ordinaire nous donnait l’illusion, même brève, d’un équilibre fragile mais suffisant. Pourtant, derrière cette sérénité, une vérité froide s’imposait : cet équilibre reposait sur des compromis précaires, des décisions que nous n’osions pas remettre en question.
Malgré cette apparence de bonheur, les tensions couvaient, invisibles mais tangibles. Ma mère, obstinée et sévère, n’avait jamais accepté Lina. à ses yeux, elle était une entrave, un boulet attaché à mes ambitions. Dans son monde rigide, il n’y avait pas de place pour les compromis. ? Soit on avance, soit on reste en arrière ?, répétait-elle souvent. Et pour elle, Lina appartenait irrémédiablement à cette seconde catégorie.
Peut-être que ce rejet venait d’une ressemblance qu’elles refusaient de reconna?tre : deux esprits farouches, deux flammes qui br?laient pour leurs convictions. Mais malgré leurs conflits, j’avais choisi Lina. Elle était mon pilier. Quand tout autour semblait s’effondrer, elle restait là, forte et inébranlable, même si parfois, je voyais une fissure, une ombre dans son sourire.
Les jours s’étiraient interminablement, et chaque instant semblait peser un peu plus lourd sur mes épaules. Entre mes études en psychologie, une série de petits boulots mal payés, et les regards réprobateurs de ceux qui croyaient tout savoir, la vie devenait une épreuve d’endurance. Pourtant, je tenais bon. Je me raccrochais à une illusion de contr?le : comprendre le fonctionnement des esprits humains me donnait l’impression d’avoir une prise, même minime, sur le chaos de ma propre existence. Mais plus je creusais dans ces méandres, plus je découvrais l’ampleur du désordre qui s’étendait en silence autour de moi.
Lina, de son c?té, portait son propre fardeau. Elle ne se plaignait jamais, mais je voyais la fatigue dans ses yeux. Parfois, elle m’observait avec cette expression indéchiffrable, mélange de tendresse et de tristesse. Nous vivions dans un équilibre instable, deux funambules avan?ant sur un fil tendu au-dessus d’un vide immense. Et malgré tout, elle souriait. C’était sa manière de me dire qu’elle croyait encore en nous, en nos rêves, même lorsque le monde semblait conspirer pour nous écraser.
Le soir, après des journées harassantes, nous trouvions refuge dans notre univers parallèle : un MMORPG qui nous offrait une liberté que la réalité refusait. Là-bas, nous étions libres de tout créer. Lina et moi passions des heures à explorer des territoires inconnus, à construire des royaumes, à réécrire nos propres histoires.
Un soir, après une longue session de jeu, elle se tourna vers moi avec ce regard brillant de créativité qui me fascinait toujours.
? Tu sais quoi ? ?
dit-elle en étouffant un baillement.
Je levai un sourcil, curieux.
? On devrait créer un endroit qui nous ressemble vraiment. Quelque chose d’unique, juste à nous. Loin du chaos des autres joueurs. J’en ai marre de voir tout ce qu’on construit être détruit en un clin d’?il. ?
J’éclatai de rire, plus pour détendre l’atmosphère que par réelle moquerie.
? C’est le destin de tous les royaumes, non ? Rien ne dure, même dans ce monde. ?
Elle plissa les yeux, légèrement vexée par mon ton, et je me hatai d’ajouter, plus sérieux :
? Mais si tu veux t’entêter à batir un sanctuaire, allons-y. Voyons combien de temps il tiendra. ?
C’était une idée folle, presque enfantine, mais elle réveilla quelque chose en moi. Ce sanctuaire devint notre projet. Pendant des semaines, nous fa?onnames ce territoire virtuel avec un soin méticuleux, pièce par pièce, pixel après pixel. Lina imaginait les contours du paysage, tandis que je m’occupais des détails techniques.
Tout commen?a par une forêt dense, presque impénétrable, enveloppée d’un brouillard mouvant qui semblait vivant. Ses arbres colossaux, hauts comme des cathédrales, formaient une barrière naturelle, protectrice et intimidante. Au c?ur de ce domaine, nous installames un lac cristallin, si pur que la nuit, il reflétait chaque étoile du ciel. C’était comme contempler un univers en miniature.
Mais le joyau de notre sanctuaire était un chateau majestueux perché sur une colline, dominant toute la vallée. Ses tours élancées semblaient vouloir défier les cieux, et ses murs, ornés de runes mystérieuses, vibraient d’une énergie que nous ne comprenions pas pleinement. Ce chateau n’était pas seulement une forteresse. C’était un symbole de nos aspirations, un lieu où nous pouvions projeter un idéal que le monde réel semblait nous refuser.
Un soir, tandis que nous admirions le fruit de nos efforts, je lui demandai, presque par jeu :
? Tu crois que cet endroit pourrait exister quelque part ? ?
Lina resta silencieuse un instant, les yeux fixés sur l’écran. Puis, un sourire énigmatique étira ses lèvres.
? Peut-être que dans un autre monde, il existe déjà. ?
Je ris doucement, amusé par sa réponse typiquement mystérieuse. Mais au fond de moi, une idée germait. Et si elle avait raison ? Et si, d’une manière ou d’une autre, nous recréions un souvenir enfoui, quelque chose de bien plus grand que nous ?
Les jours passaient, et Lina semblait plus radieuse que d’habitude, comme si elle portait un secret qu’elle n’était pas encore prête à partager. Un soir, alors que je rentrais tard du travail, je la trouvai assise sur le canapé, plongée dans la lumière vacillante de notre lampe de chevet. Elle triturait nerveusement un coin de son pull, un geste familier qui trahissait une hésitation.
Je m’assis à ses c?tés, intrigué par son air inhabituellement grave. Elle prit une profonde inspiration avant de murmurer doucement :
? Aelion… j’ai quelque chose à te dire. ?
Son ton était si sérieux que mon c?ur se serra. était-ce une mauvaise nouvelle ? Avait-elle perdu espoir en nous ?
Elle prit ma main dans la sienne, ses doigts légèrement tremblants.
? Je suis enceinte. ?
Le silence qui suivit ces mots fut assourdissant. Le monde sembla s’arrêter, suspendu à cette annonce qui changeait tout. Pendant un instant, je restai figé, incapable de réagir, tandis que mon esprit tentait de saisir l’ampleur de ce qu’elle venait de dire.
? Tu… tu es s?re ? ?
balbutiai-je enfin, les yeux embués d’émotion.
Elle hocha doucement la tête, un sourire timide illuminant son visage.
? Oui… je l’ai appris ce matin. ?
Je la pris dans mes bras, submergé par un mélange de joie pure et d’appréhension.
? Lina… c’est incroyable. On va avoir un bébé ? ?
Elle acquies?a, et cette simple confirmation transforma le chaos de ma vie en un moment de clarté absolue. Nous allions devenir une famille.
? Tu as peur ? ?
demanda-t-elle doucement, posant une main sur ma joue.
? Terrifié, ?
avouai-je avec un rire nerveux,
? mais tellement heureux. ?
Nous passames la soirée à parler de l’avenir, de nos rêves pour cet enfant. Amara, comme nous l’avions décidé, serait son prénom si c’était une fille. Cela signifiait ? éternelle ?, un hommage à ce que nous espérions batir pour elle : un amour intemporel, un refuge indestructible.
Les mois qui suivirent cette annonce furent parmi les plus précieux de ma vie. Lina semblait rayonner d’une lumière intérieure, chaque mouvement du bébé renfor?ant son espoir en un avenir meilleur. Malgré les tensions et les défis du quotidien, nous trouvions des moments de répit à partager, des instants suspendus dans le temps où rien d’autre ne comptait.
Les journées étaient ponctuées de conversations sur nos projets pour Amara. Lina adorait imaginer l’avenir, embellissant chaque détail avec une passion débordante.
? Tu crois qu’elle aimera les étoiles ? ?
demandait-elle souvent en caressant son ventre arrondi.
? Je suis s?r qu’elle en conna?tra chaque nom, grace à toi, ?
lui répondais-je, amusé par son enthousiasme.
Un soir, alors que nous étions allongés c?te à c?te, le silence emplit la pièce. Lina posa doucement sa main sur la mienne.
? Aelion... tu crois qu’on sera de bons parents ? ?
Sa question, posée si simplement, résonna dans l’air comme une prière silencieuse.
Je tournai la tête vers elle, plongeant dans ses yeux où une inquiétude profonde brillait.
? Tu seras une mère incroyable, Lina. Quant à moi... je ferai de mon mieux pour ne pas tout gacher. ?
Elle rit doucement, un rire cristallin qui chassa un instant ses doutes.
Lorsque le jour de l’accouchement arriva, j’étais à la fois terrifié et exalté. Chaque minute dans cette salle d’h?pital me semblait une éternité. Je ne savais pas quoi faire, où regarder, ni même comment respirer. Mais Lina, malgré la douleur, gardait cette expression déterminée qui m’avait toujours fasciné.
Et puis, enfin, le premier cri d’Amara retentit. Ce fut comme si le monde entier s’illuminait. L’infirmière me tendit ce petit être fragile, et en la tenant pour la première fois, je ressentis une vague d’émotions indescriptibles. Ses petits doigts s’accrochèrent au mien, et tout mon univers changea.
Lina, épuisée mais radieuse, regardait notre fille avec des yeux remplis d’amour.
? Elle est parfaite, ?
Murmura-t-elle, des larmes coulant sur ses joues.
Je me penchai pour embrasser son front, incapable de contenir les miennes.
Amara était notre miracle, un rayon de lumière dans un monde souvent trop sombre. Nous savions que nous n’aurions pas la vie facile, mais à cet instant, rien d’autre n’avait d’importance.
Malheureusement, la réalité nous rattrapa rapidement. Nos familles, déjà réticentes face à notre union, rejetèrent catégoriquement la naissance d’Amara. Ils coupèrent tout contact, nous laissant complètement isolés. Lina, qui avait toujours trouvé la force de sourire malgré les épreuves, commen?a à s’effriter sous le poids des critiques et des responsabilités.
Elle pleurait souvent, tard dans la nuit, pensant que je ne l’entendais pas. J’essayais de la réconforter, mais rien ne semblait suffire. Elle s’éloignait peu à peu, s’enfermant dans une tristesse que je ne comprenais pas totalement.
Un soir, après une journée particulièrement difficile, je rentrai pour trouver l’appartement plongé dans un silence glacial. Amara dormait paisiblement dans sa chambre. Mais une ombre pesante flottait dans l’air.
Je m’approchai de la salle de bain, le c?ur serré sans raison apparente. La porte était entrouverte. Je la poussai doucement.
Et là, tout s’effondra. Lina, suspendue, son corps inerté baigné par la lumière crue du néon.
Un hurlement déchirant s’échappa de ma gorge, un cri de désespoir pur qui semblait n’avoir aucune fin. Mes jambes cédèrent, et je tombai à genoux, incapable de comprendre ce que je voyais. Comment cela avait-il pu arriver ? Pourquoi n’avais-je rien vu venir ?
Je restai là, paralysé, jusqu’à ce que le besoin de protéger Amara me ramène à la réalité. Mon petit miracle. Elle était tout ce qu’il me restait de Lina.
Les années passèrent, mais la douleur ne s’atténua jamais. Chaque sourire d’Amara était un rayon de soleil, mais aussi un rappel poignant de l’absence de Lina. Je faisais de mon mieux pour offrir à ma fille une vie pleine d’amour, mais je savais qu’un vide subsisterait toujours.
Les nuits devinrent de plus en plus courtes. Les visions, ces rêves étranges d’un autre monde, s’imposaient à moi avec une intensité croissante. Je voyais des créatures majestueuses, des lieux d’une beauté surnaturelle, et une voix grave et ancienne qui murmurait mon nom.
Un jour, après des semaines de pluie incessante, Amara et moi décidames de sortir pour prendre l’air. Le ciel était encore lourd de nuages, mais quelques rayons de soleil timides per?aient à travers. Amara sautait joyeusement dans les flaques d’eau, son rire cristallin éclatant dans l’air humide. Elle n’avait que cinq ans, mais sa joie de vivre était contagieuse.
Soudain, le ciel s’ouvrit dans une explosion de lumière. Un double arc-en-ciel apparut, vibrant de couleurs si intenses qu’elles semblaient irréelles. Le paysage tout entier changea : l’air devint plus dense, chargé d’une énergie que je ne pouvais pas expliquer. Amara s’arrêta net, les yeux écarquillés d’émerveillement.
? Papa, regarde ! ?
s’exclama-t-elle, fascinée.
? C’est magique ! ?
Je levai les yeux, et une vague d’émotions me submergea. Ce n’était pas qu’un simple phénomène naturel. Une voix ancienne, celle qui m’avait hanté dans mes rêves, résonna à nouveau, cette fois plus forte, plus claire, comme si elle venait directement de ces arcs lumineux.
? Mon héritier... Le moment est venu. ?
Les mots vibrèrent en moi, résonnant dans mon ame comme une vérité indéniable. Tout autour de nous, le monde semblait se suspendre, retenu par une force invisible.
Amara se tourna vers moi, sentant le changement dans l’air, même si elle ne pouvait pas en comprendre la portée.
? Papa, qu’est-ce qui se passe ? ?
demanda-t-elle, sa petite voix tremblante d’excitation et d’inquiétude.
Je m’agenouillai devant elle, posant mes mains sur ses épaules pour la rassurer.
? Ne t’inquiète pas, ma petite étoile. Nous allons découvrir quelque chose de merveilleux. Ensemble. ?
Les arcs-en-ciel se mirent à briller de plus en plus intensément, leurs couleurs devenant presque aveuglantes. Une colonne de lumière éclatante jaillit du sol, nous enveloppant dans une chaleur apaisante. Le monde autour de nous commen?a à se déformer, comme si les frontières de notre réalité se dissolvaient.
? Papa ! ?
s’écria Amara, accrochée à moi alors que tout se transformait autour de nous.
Je la serrai contre moi, murmurant doucement pour calmer ses peurs.
? Tout ira bien, Amara. Fais-moi confiance. ?
Alors que la lumière nous engloutissait, je sentis une force incroyable nous traverser, comme si nos corps étaient réécrits, recréés. Ce n’était pas douloureux, mais c’était étrangement intense.
Merci de votre lecture !
Votre soutien et vos retours sont une immense source de motivation pour moi. Chaque chapitre est une étape dans ce voyage fantastique que nous partageons ensemble, et savoir que vous êtes là pour le découvrir avec moi rend l’aventure encore plus spéciale. Si vous avez aimé ce chapitre, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à partager vos impressions.
à très vite pour la suite, et encore merci de faire partie de cette histoire ! ??