Flavius, haletant, brisé, le corps trempé de sueur, de boue, de fluides qu’il ne voulait pas déterminer l’origine et de sang un mélange entre le sien et d’autres soldats resta figé, observant cette scène irréelle. Autour de lui, les soldats de Dauph aussi choqués que lui, épuisés mais victorieux, dans un état aussi lamentable que lui reprenaient leur souffle. Dans leurs regards ont pouvaient voir qu’ils savaient qu’ils avaient échappé au massacre. Quelques cries timides de triomphe s’élevaient vite brisés par des quintes de toux et des cries de douleurs. Au loin, les cannons tonnaient encore mais plus pour eux pour d’autres être aussi misérables qu’eux. Flavius demeurait silencieux, les yeux errants sur ce chaos, cet avant-gout de l’enfer de corps déchiquetés, chevaux éventrés, terre labourée ; elle qui il y a moins de vingt minutes était encore une plaine ressemblée à un champs de cratères. La victoire avait un go?t amer, de cendre, de sang dans la bouche.
Nous avions survécu, oui … mais à quel prix ? Combien d’homme son régiment ou l’armée avait-elle perdue dans ce carnage ? tout autant de question sans réponse qui se bousculaient dans sa tête.
Il inspira profondément. L’air vicié br?la sa gorge sèche. Il ferma les yeux un instant, laissant la réalité s’effacer… ne serait-ce qu’une seconde.
Quand il les rouvrit, les hommes s’agitaient autour de lui, ils retournaient au camp. De nombreux blessés, trainant leur carcasse encore vivante, certain avec les membres brisés, certain défigurés à jamais, d’autre indemnes physiquement mais hagards, le regard perdu dans un monde de terreur qui ne les quittera plus. Certains plus valides se regroupaient lentement, ramassant les blessés, dégageant les chevaux tombés, leurs mouvements lourds, alourdis par une lassitude qui succédait à l’adrénaline. Il avait survécu à cette première journée, mais survivrait-il à la prochaine ? pourrait-il retardé l’inévitable ? L’ennemi s’était replié, mais la guerre, elle, ne faisait que commencer porteuse de douleurs à na?tre, assoiffée de nouveaux martyrs, de nouvelles horreurs et de vies à briser.
C’est alors que Flavius le vit, à quelques pas, gisant parmi les cadavres et les mourants, celui qui lui avait sauvé la vie, allongé dans la boue il n’était plus qu’un vestige brisé, la moitié de son corps arrachée par l’explosion. Son visage, figé dans une grimace de douleur et de terreur, portait les stigmates d’une fin brutale ; ses yeux grands ouverts, vides, semblaient chercher un sens à ce carnage, un écho muet aux questions qui hantaient Flavius. Il s’approcha lentement, chaque pas pesant comme une pierre, une douleur sourde dans sa poitrine. Flavius s’attarda un peu pour faire une prière pour cet homme inconnu qui lui avait sauvé la vie. Il ferma les yeux un instant pour lutter contre une vague d’émotions mais ce fut une erreur, il revécut dans sa tête le moment où leurs regards s’étaient croisés, juste avant qu’il ne se fasse happer par une explosion, cela lui arracha un morceau de son ame. Puis il se détourna, encore plus brisé, marchant lentement parmi les cadavres, montant et descendant les cratères. Il refusait de se laisser submerger par les émotions contradictoires. S’il voulait survivre, il devait les repousser, les enterrer.
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Il marchait hasardeusement en direction du camp cherchant des blessés à aider. Son regard tomba sur un homme accroupi, serrant un bras ensanglanté, le visage blême de douleur. ? J’ai besoin d’aide… ?, souffla-t-il, sa voix tremblante à bout de forces. Sans hésiter, Flavius s’accroupit malgré ses propres blessures et le sang qui avait recommencé à suinter de ses plaies, saisissant son bras pour le soutenir. Il l’aida à se relever, mais l’homme vacilla, son poids s’appuyant lourdement sur lui. Flavius serra les dents, ignorant sa propre fatigue et les souffrances de son corps, les reléguant au fond de son esprit, un pas, puis un autre pas, c’est comme cela qu’il fallait faire pour survivre. S’il ne faisait rien, l’homme mourrait ? Tenez bon, on va au camp. Ils vous soigneront. ?. Ils avan?aient lentement, prudemment, sur un sol traitre, glissant, boueux, évitant le plus possible les morceaux de corps, de métal et de bois. Le trajet s’emblait interminable, l’homme lacha un rale tomba à genou, puis son visage heurta le sol boueux avec un bruit de succion. Il ne bougeait plus, il avait fini de souffrir. Flavius, les mains tremblantes, incapables de retenir leur mouvement, le laissa là et continua son chemin de souffrance jusqu’au camp.
Finalement, il arriva au camp, s’écroula prêt d’un feu ses jambes le lachèrent ne pouvant plus le porter. Son corps n’était qu’un amas de souffrance, de terre et de boues séchées, collant à sa peau comme une seconde armure. L’odeur de viande grillées se mélangeait à l’odeur des braises, de sang séché et de reste de poudre qui flottait encore dans l’air. Un cocktail odorant unique proche de celle de la mort mais pas tout à fait. Le crépitement du feu, un son presque tendre après l’horreur qu’il venait de traverser, glissa sur lui comme une caresse fugace, apaisant à peine les cris de ses nerfs et chairs à vif.
Autour des foyers, les soldats se rassemblaient en petits groupes, des êtres agars, des ombres muettes dans l’obscurité grandissante. Certains observaient furtivement les brancards ramenant les blessés, leurs gémissements emportés par le vent, et les morts, formes inertes avalées par l’obscurité. D’autres fixaient le vide, leurs yeux caves, éteints, comme si la guerre avait aspiré leur ame, ne laissant que des coquilles vides. L’atmosphère les écrasait dans un silence mortel plus pesant, plus assourdissant que les bruits de la bataille, pas un mot, pas un souffle ; Le froid de la guerre les avait tous saisis, un gel insidieux qui s’infiltrait dans leurs os, leurs c?urs, leurs ames, leur volant tout ce qui faisait d’eux des hommes. Ils pouvaient prétendre être vivants, mais ce vide, ce néant glacé, était tout ce qui restait.