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18 - Vers lInconnu

  Brian était mort. La Base de Banff n’avait plus d’élu. Sa désactivation était donc obligatoire. Pourtant, Alan pouvait toujours ordonner à Achille de maintenir le champ anti-nanites, qui n’était pas concerné par le processus, même si les autres champs étaient désactivés.

  Alan ouvrit un canal sécurisé et contacta Thabo.

  ? Mission accomplie. L’anneau de la Base de Banff est désormais accessible. ?

  Un silence, puis la voix de Thabo s’éleva, marquée par une satisfaction contenue :

  ? Félicitations, Alan. C’était un coup risqué, mais tu as réussi. Ce symbole, cet anneau, permettra aux gens de vivre là-bas. ?

  ? Comment comptes-tu t’y rendre ? ? demanda Alan.

  ? Je prendrai un groupe restreint. Mieux vaut éviter trop de visibilité au départ. Mais une fois l’anneau retiré, ce ne sera plus qu’une question de minutes avant que la Base ne renaisse. ?

  Alan hocha lentement la tête.

  ? Reste prudent. L’équilibre est fragile là-bas, et le calme précaire. ?

  Thabo eut un petit rire grave.

  ? Je sais. Mais je compte bien que nous tirions avantage de ce que tu as imposé là-haut. ?

  Alan termina l’échange, puis contacta Léa.

  ? Où en est l’équipe de Mehmet ? ?

  La voix synthétique de Léa lui répondit presque instantanément :

  ? Exfiltration en cours. Aucun blessé grave. Seule une entorse mineure pour Andras, mais l’équipe est en bonne santé. ?

  Alan relacha la pression de ses épaules.

  ? Parfait. Veille à leur retour sécurisé. ?

  Léa confirma, et la communication s’interrompit.

  Alan laissa son regard se perdre un instant dans l’espace visible à travers l’une des projections holographiques du vaisseau. Tout s’encha?nait. .

  à Banff, le désespoir avait envahi la cité. Privée de ses systèmes de soutien, la population errait entre colère et résignation. Les vivres étaient comptées, l’eau rationnée, et l’absence de protection contre les éléments commen?ait à peser sur les esprits. Dans les rues, certains murmuraient des prières silencieuses, d’autres cherchaient encore des coupables.

  D’anciens officiers, ceux qui n’avaient pas été trop impliqués dans les man?uvres de Brian, tentaient de rétablir un semblant d’ordre. Ils rassemblaient les groupes dispersés, distribuaient les maigres ressources et essayaient d’empêcher la panique de dégénérer en violence ouverte. Mais l’équilibre était fragile.

  L’exécuteur de Brian avait été arrêté pour trahison sous un prétexte commode. Une manière pour les anciens officiers de canaliser la frustration collective sur un autre bouc émissaire. Beaucoup considéraient qu’il avait tué Brian pour faire oublier sa propre culpabilité dans l’attaque de la Base asiatique.

  Un petit groupe, plus organisé, essayait de réunir la population sur la place centrale, cherchant un moyen d’aller de l’avant.

  Puis, une rumeur parcourut la foule.

  Une navette approchait.

  L’inquiétude monta immédiatement. était-ce une nouvelle catastrophe ? Un dernier chatiment ? Des silhouettes se massèrent autour de la place, fixant le ciel avec anxiété.

  Lorsque la navette atterrit à l'extérieur de la Base, un silence de plomb s’abattit sur la foule.

  Les plus craintifs échangeaient des murmures inquiets, certains chuchotant que cette arrivée ne présageait rien de bon. D'autres, plus pragmatiques, gardaient une posture rigide, prêts à s’adapter à la situation.

  Lorsque la rampe s’abaissa, révélant Thabo et ses accompagnateurs, un frisson parcourut l’assemblée. Une délégation africaine. Ce n’était pas ce à quoi ils s’attendaient. Des regards dubitatifs s’échangèrent, certains observant Thabo avec méfiance, d’autres avec une lueur d’espoir, comme si la venue d’un étranger portait en elle une chance inespérée.

  Thabo en descendit d’un pas assuré, son regard parcourant la foule. Il n’y avait ni arrogance ni défi dans sa posture, juste la détermination calme de quelqu’un qui sait qu’il marche sur un terrain fragile. Derrière lui, ses accompagnateurs suivaient avec la même sérénité mesurée, accentuant l’étrangeté de leur présence.

  Il s’arrêta au centre de la place et leva lentement les mains pour apaiser les tensions palpables.

  ? Vous avez perdu un élu. Je viens vous proposer d’en avoir un autre. ?

  Un silence pesant tomba sur la place.

  Thabo poursuivit : ? Mais je ne suis pas Brian. Il n’y aura pas de Sélection. ?

  Quelques chuchotements s’élevèrent dans la foule.

  ? J’ai seulement deux anneaux. Mon allié Alan en a quatre. Mais cela n’a plus d’importance. Ce qui compte, c’est que nous réactivions cette Base et que nous reprenions le contr?le de notre avenir. ?

  Il prit une inspiration, puis ajouta :

  ? Je vous propose d’organiser un vote. Si vous acceptez, je prendrai l’anneau et remettrai la Base en service. Mais c’est votre choix. ?

  La vérité était que la foule n’avait pas le choix. Sans élu, ils étaient condamnés.

  Le vote fut rapide. Thabo l’emporta largement.

  Sans attendre, il se dirigea vers le d?me où reposait l’anneau. Lorsqu’il le saisit, un bourdonnement électrique traversa la structure de la Base.

  Les systèmes de survie se réactivèrent.

  Alan avan?ait lentement dans le grand hall du vaisseau. Ses pas résonnaient faiblement sur le sol lisse tandis qu’il s’adressa à Achille.

  ? Mon Alliance contr?le les sept anneaux et les sept Bases. Nous allons constituer un équipage optimal. La Sélection modifiée est un succès. ?

  Il marqua une pause, puis ajouta : ? J’annonce officiellement que je prends le commandement du vaisseau, dans le respect des objectifs de la mission. ?

  Un silence s’étira. Achille mit plusieurs secondes à répondre. Puis enfin, il déclara :

  ? Autorité reconnue. ?

  Alan inspira profondément. C’était fait.

  ? Premier ordre : remise du contr?le de toutes les Bases opérationnelles à Léa. ?

  ? Exécution en cours. ?

  ? Deuxième : recalcul immédiat de la réduction des champs anti-nanites à treize siècles. ?

  ? Paramètres ajustés. ?

  ? Troisième : accès possible au vaisseau pour toute navette sous mon autorisation directe. ?

  ? Autorisation établie. ?

  ? Quatrième : suppression du champ d’invisibilité du vaisseau. ?

  ? Champ désactivé. ?

  ? Cinquième : transmission à Léa des paramètres d’évaluation des équipages et préparation de leur accueil à bord. ?

  ? Données transmises. ?

  Alan hocha la tête, puis posa une dernière question :

  ? Doit-on former des équipages composés de membres issus d’une même Base ou faut-il les mixer entre plusieurs Bases ? ?

  Achille répondit immédiatement : ? Former des équipages d’une même Base permet une meilleure cohésion immédiate, car les individus ont l’habitude de fonctionner ensemble, partagent une culture et un mode de communication similaire. Cependant, cela risque de renforcer les biais et d’augmenter les tensions inter-bases. En revanche, mixer les équipages entre plusieurs Bases encourage l’adaptabilité, le croisement des compétences et une meilleure résilience face aux imprévus, mais cela implique une période d’ajustement plus longue et des risques de conflits internes si les divergences culturelles ne sont pas surmontées. ?

  Alan réfléchit un instant, puis appela Léa.

  ? Transmets un message à Jennel. Dis-lui… Viens. ?

  Jennel tournait en rond dans son appartement depuis son retour de Comoé. Puis elle dut saluer les quatre "commandos" de la Phase 2.

  Ce qu'elle fit avec davantage d'amitié que de salutations officielles, serrant brièvement les mains, échangeant des regards sincères, surtout avec Ingrid et András qui n'étaient pas du tout dans leur élément (si ce n'est Ingrid qui en tant que norvégienne s’inquiétait moins de la montagne que de sa réussite dans son r?le). Elle leur adressa quelques mots d'encouragement, tentant de leur insuffler un peu de chaleur malgré l’enjeu pesant sur eux. Ils étaient là parce que c'était capital et qu'ils étaient les seuls possibles.

  Elle les laissa se préparer et retourna, le c?ur plus glacé que la température nocturne, dans son nid solitaire.

  Elle pensa passer chez Rose, mais ne trouva pas la motivation.

  Ce furent Johnny et Maria qui passèrent la voir au petit matin, histoire de partager de l'amitié autour du chocolat d'Alan, ce qui la fit s'enfoncer davantage. Johnny tenta bien une plaisanterie maladroite pour détendre l’atmosphère, mais elle s’éteignit aussit?t face au regard inquiet de Jennel. Maria posa une main sur son bras et lui dit doucement :

  "Alan est malin, il sait ce qu'il fait. Il reviendra."

  Johnny approuva d’un signe de tête :

  "Et puis, il sait qu’on doit fêter mon anniversaire !"

  Cette fois, un sourire fugace passa sur le visage de Jennel, même si l'angoisse ne la quittait pas.

  Ils la quittèrent dans la matinée, lui conseillant d'essayer de dormir. Peine perdue. Chaque fois qu'elle fermait les yeux, des images d'Alan, des navettes, des préparatifs et des risques inondaient son esprit. Son c?ur battait trop vite, son souffle se faisait court. Elle s'allongeait, fixait le plafond, tentait de calmer son esprit, mais la moindre pensée ramenait une vague d’angoisse. Elle se redressait, marchait, buvait de l'eau, puis retournait se coucher sans succès. L'attente devenait un supplice, chaque minute s’étirait en une éternité. Elle serrait les poings sous la couverture, se for?ant à respirer lentement, mais la panique la rongeait de l’intérieur. Il lui fallait des nouvelles, un signe, une certitude.

  En début d’après-midi, elle alla saluer les trois équipes de deux pilotes de la Phase 3. Ils ignoraient encore leur mission exacte. Jennel prit une profonde inspiration et tenta de rassembler ses pensées. Elle savait que ces hommes et ces femmes avaient besoin d'une direction claire, mais son propre trouble intérieur brouillait son discours.

  "Ce que vous allez faire est crucial," commen?a-t-elle en pesant chaque mot. "Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer. Chaque seconde comptera. Ce ne sera pas seulement un vol de reconnaissance, ni une mission ordinaire. Ce sera une bataille. Une bataille dont dépendra le futur de cette Base et de toutes les autres."

  Elle s’arrêta, cherchant à capter leurs regards, puis reprit avec plus d’assurance :

  "Je ne vous demande pas d’être des héros, juste de suivre le plan et de tenir bon. Nous avons mis toutes les chances de notre c?té, mais nous aurons besoin de votre courage, de votre sang-froid. Et je sais que vous en êtes capables."

  Elle s'effor?a d'afficher un sourire encourageant, bien que son c?ur batt?t à tout rompre. Ils semblèrent motivés plus par sa détermination que par ses paroles, hochant la tête avec gravité, prêts à accomplir leur mission.

  Elle assista à leur départ au crépuscule puis erra, épuisée, dans la Base. Elle marchait sans but précis, ses pensées tourbillonnant dans un chaos insoutenable. Les rares passants qu'elle croisait la saluaient avec gentillesse, un sourire compatissant sur le visage, comme s'ils devinaient son trouble sans en comprendre la cause. Certains s'arrêtaient un instant, hésitant à lui adresser quelques mots d'encouragement. "Tout ira bien, Jennel," lui lan?a une femme, une main réconfortante sur son bras. Un autre ajouta : "Alan est fort. Il reviendra." Jennel hochait la tête, tentant de sourire, mais son esprit restait embourbé dans l'incertitude. Elle continua à avancer, ses pas résonnant sur les allées silencieuses de la Base, seule avec son angoisse.

  Elle parvint à s'assoupir deux heures, se réveilla en sursaut.

  à l’aff?t d’un message de Léa, Jennel se mordait la lèvre, hésitante. Chaque seconde qui passait lui pesait davantage, mais une part d’elle redoutait la réponse. Elle ouvrit la bouche, puis la referma. L’angoisse l’étreignait, la paralysait presque. Et si la réponse était celle qu’elle redoutait le plus ? Son c?ur battait à tout rompre, luttant entre l’urgence de savoir et la peur d’entendre ce qu’elle ne voulait pas.

  à 16h (heure de Banff), elle n'en pouvait plus. Elle eut une petite voix : "Léa ?"

  "Opération réussie, trois navettes ennemies détruites."

  Une chance, une petite chance qu'Alan soit encore en vie. L’attente se poursuivit.

  Heure après heure. L’attente s’étirait comme une nuit sans étoiles, pesante et oppressante, où l’espoir semblait s’éteindre à mesure que les heures défilaient. Chaque minute ajoutait une ombre de plus à son inquiétude, comme si le ciel noir au-dessus de la Base reflétait l’angoisse qui la rongeait de l’intérieur.

  Puis un instant magique : "Jennel, vous avez un message d'Alan." dit Léa.

  "Viens."

  Elle resta quelques secondes pétrifiée puis hurla : "Léa, je veux une navette sur le départ immédiatement !"

  Alan attendait dans le grand hall du vaisseau. Nul besoin d'y supprimer l'atmosphère pour l'arrivée d'une navette, l'entrée monumentale disposait de son propre champ de répulsion qui retenait l'air. La navette de Jennel se posa avec délicatesse comme elle le faisait à chaque fois que la jeune femme pilotait. Elle descendit et il lui tendit les bras.

  "Tu as failli me tuer," dit-elle au comble du bonheur.

  Il rit.

  "Moi qui pensais que j'étais le plus en danger."

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  "Tu es un sale type," lui lan?a-t-elle, les yeux embués.

  "Je me trouverai jamais de copine," reconnut-il en souriant.

  "Aucune chance," conclut-elle en se pendant à son cou. Elle le serra avec force, comme pour s’assurer qu’il était bien réel.

  Alan passa une main dans ses cheveux et laissa son front reposer contre le sien. "On a encore du boulot."

  Jennel inspira profondément et sourit à travers ses larmes. "Mais au moins, on est ensemble."

  JENNEL

  Ce type est dingue, et moi je suis dingue de lui. Vu de l’extérieur, on doit faire un couple de malades.

  J’écris ?a sur un carnet tout neuf fabriqué par le synthétiseur. L’ autre est resté en bas, si on peut dire.

  Pas eu le temps de regarder où j’étais tombée, ni de faire des galipettes, je me suis effondrée quand Alan m’a déposée sur le lit du slot du Commandant. C’est tout de même la suite de luxe du vaisseau, un bureau connecté de plus que les autres slots, soit 2 m2.

  Je fais la fière parce que j’ai dormi dix heures.

  En fait, Alan est un cas. C’est Leyla qui dit que c’est un miracle ambulant. Je vais finir par le croire.

  Jennel avan?ait aux c?tés d'Alan, le regard levé vers l'immensité du vaisseau. Elle s'arrêta plusieurs fois, comme prise de vertige par l’échelle démesurée de la structure.

  ? C’est gigantesque… ? souffla-t-elle, impressionnée.

  Alan esquissa un sourire.

  ? Et encore, tu n’as rien vu. Suis-moi. ?

  Ils progressèrent dans les couloirs, Alan lui indiquant brièvement chaque section visitée.

  ? Tu comprendras mieux avec l’hypno-enseignement. Pour l’instant, contente-toi d’observer. ?

  Jennel hocha la tête mais ne put s’empêcher de scruter chaque détail, tentant de mesurer l’ampleur de cette nouvelle réalité.

  En marchant, Alan reprit la parole :

  ? J’ai d? négocier avec Achille pour obtenir ce que je voulais. Pas seulement le commandement… mais bien plus. ?

  Jennel tourna la tête vers lui. ? Comme quoi ? ?

  ? Le maintien du champ anti-nanites, la levée des interdictions d’accès au vaisseau, la révision du temps de dégradation des Bases… ?

  Il marqua un silence avant d’ajouter :

  ? Et surtout, un changement fondamental dans la Sélection. Elle n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était. Tout en conservant le même but.?

  Jennel le regarda avec attention. ? Et ?a te satisfait ? ?

  Alan soupira.

  ? ?a reste un pari. Nous allons partir, et je ne sais pas quel sera notre sort. Mais une chose est s?re : j’en serai. ?

  Un sourire effleura les lèvres de Jennel. ? Moi aussi. ?

  Alan la fixa un instant avant d’acquiescer. Ils continuèrent leur progression jusqu’au secteur des quartiers de l’équipage. L’incertitude planait toujours sur un point crucial.

  ? Reste à savoir comment organiser les équipages… ? murmura Alan.

  Jennel réfléchit un instant.

  ? Tu n’auras pas 100 membres par Base. Comment pourrais-tu en avoir d’Australie alors qu’ils ne doivent même pas être 100 au total ? ?

  Alan croisa les bras.

  ? Ce qui signifie que nous devons d’abord procéder à un recensement des volontaires… ?

  ? … puis une évaluation. ? acheva Jennel. ? On ne peut pas imposer une répartition stricte. Il y aura forcément des équipages mixtes et d’autres non, selon la réalité des effectifs. ?

  Alan inclina légèrement la tête, pensif.

  ? Oui. On n’aura pas d’autre choix que de s’adapter. ?

  Jennel esquissa un sourire.

  ? Ce sera notre premier test, non ? Voir si nous sommes capables de batir quelque chose de viable… ?

  Elle reprit, l’air songeuse :

  ? Mais ?a ne t’a pas échappé que former des équipages de dix ne peut servir qu’à les placer dans des objets qui contiennent au moins dix personnes, voire qui fonctionnent avec seulement dix membres d’équipage. ?

  Alan hocha la tête.

  ? C’est une évidence. Mais Achille reste muet sur la question. ?

  Jennel haussa un sourcil. ? C’est inquiétant. ?

  Alan soupira légèrement.

  ? C’est aussi le prix à payer pour permettre à des centaines, voire des milliers d’humains de continuer à vivre. ?

  Jennel croisa les bras.

  ? Ils pourraient bien finir par se lasser de vivre. Même jeunes, sur un monde désertique… ?a finira par peser. ?

  Alan haussa les épaules. ? On ne peut pas faire mieux. ?

  ? Et des milliers, c’est optimiste. ? souffla Jennel.

  Alan hocha la tête et changea de sujet.

  ? Léa a le contr?le total de toutes les Bases. Elles n’auront plus de champ d’invisibilité et leur champ de répulsion sera reparamétré afin de ne conserver que la régulation climatique. ?

  Jennel l’écoutait attentivement.

  ? Léa sera aussi chargée de rassembler d’autres Survivants errants aux alentours. Deux navettes seront affectées à chaque Base. Léa en aura le contr?le en cas de nécessité. ?

  Jennel fron?a les sourcils. ? Il en manque quatre. ?

  Alan esquissa un sourire.

  ? Elles serviront à Léa… de Police. ?

  Jennel resta silencieuse un instant, puis murmura :

  ? Tu crois que ce système tiendra longtemps ? Compte tenu de la nature humaine… ?

  Alan croisa les bras et la regarda.

  ? Il faudra bien qu’ils se débrouillent tout seuls. ?

  Il marqua une pause, puis ajouta d’un ton plus sombre :

  ? à moins qu’on revienne y mettre de l’ordre… ?

  Jennel s’arrêta, le fixa longuement, intriguée.

  ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ? ?

  ? Sais pas, une idée ... ? dit-il à voix basse.

  Jennel était assise dans l’un des fauteuils d’apprentissage du vaisseau, plongée dans une séance d’hypno-enseignement. Son visage était détendu, son regard figé, totalement absorbée par l’implantation des connaissances que le vaisseau lui transmettait. Alan, lui, se tenait à quelques pas, l’esprit ailleurs.

  Un flux d’informations traversa instantanément l’esprit d’Alan, une transmission inter-nanites émise par Achille :

  ? Commandant Alan, communication entrante de Léa. ?

  Alan acquies?a et répondit d’un ton neutre :

  ? Transfère. ?

  La voix calme et précise de Léa se fit entendre :

  ? Alan, je vous confirme que je connais désormais les procédures d’évaluation des candidats au départ, ainsi que les hypno-enseignements diversifiés qu’ils devront acquérir avant d’être intégrés. ?

  Alan haussa un sourcil. ? Bien. Quelle est la procédure exacte ? ?

  ? Un premier recensement sera effectué dans chaque Base sur la base d’un volontariat exprimé à voix haute dans son propre slot. Ensuite, une évaluation physique, cognitive et psychologique déterminera les candidats recevables. Ce processus sera rapide, optimisé par les capacités analytiques des IA et les capteurs biométriques des Bases, permettant d’obtenir des résultats en quelques minutes seulement. Ceux qui réussissent cette étape recevront une formation accélérée par hypno-enseignement, spécifique à leur affectation potentielle. ?

  Alan hocha lentement la tête. ? Tu comptes l’annoncer quand ? ?

  ? J’allais procéder à une intervention directe dans toutes les Bases. ?

  Alan secoua la tête.

  ? Attends. Je veux que mon propre message soit délivré avant. Il doit être officiel et… spectaculaire. Il faut marquer les esprits. ?

  ? J’attendrai votre signal. ? confirma Léa qui ajouta :

  ? La constitution des équipages ne dépendra pas seulement du nombre total de candidats recevables. ?

  Alan fron?a les sourcils. ? Explique-toi. ?

  ? La répartition ne pourra pas être homogène. Certaines affectations nécessiteront des compétences précises qui ne seront pas équitablement réparties entre les Bases. ?

  Alan se redressa, intrigué. ? Donne-moi des exemples. ?

  Léa énon?a immédiatement :

  ? Un spécialiste de l’hyperpropulsion quantique, un expert en communication par hyperchamp, un autre encore en armement embarqué. ?

  Alan haussa un sourcil et répondit avec une surprise modérée :

  ? Cet équipage ressemble étrangement à celui d’un vaisseau de guerre… ?

  Léa répliqua sans hésitation :

  ? C’est un équipage de vaisseau de combat. ?

  Alan venait de s’entretenir avec Awa et Thabo.

  Jennel se tenait à quelques pas quand il gravit la marche menant à la zone de transmission holographique.

  Une projection holographique gigantesque s’anima sur la place centrale de chaque Base. Simultanément, chaque individu ressentit une intrusion familière dans son esprit, la voix d’Alan se mêlant aux communications inter-nanites.

  ? Survivants, écoutez-moi.

  Je suis Alan, et je vous parle depuis le vaisseau géant en orbite.

  Le commandement m’y a été remis. ?

  Un silence pesant s’installa dans toutes les Bases.

  ? Vous êtes aujourd’hui face à un choix qui décidera de votre avenir. Un choix simple en apparence, mais aux conséquences irréversibles. ?

  Il laissa une courte pause, puis poursuivit d’un ton ferme.

  ? Rester. Ou partir. ?

  Des murmures parcoururent la foule dans chaque cité.

  ? Si vous restez, voici ce qui vous attend : vos Bases ne s’effondreront pas. Le champ anti-nanites sera maintenu treize siècles, le champ de répulsion ne servira qu’à préserver un climat viable. Deux navettes vous seront attribuées. Léa, la seule IA encore autonome, veillera au bon fonctionnement de vos cités. ?

  Il marqua une pause avant de continuer d’une voix plus grave.

  ? Mais il n’y aura plus d’enfants. Plus de futur. Votre monde se figera dans un présent perpétuel. Vous serez libres, oui, mais dans une prison invisible : une planète désertique où le temps finira par s’effacer. ?

  Les visages se crispèrent dans l’assistance.

  ? L’autre option est de partir. ?

  Un frisson parcourut les foules.

  ? Ceux qui choisiront de me rejoindre embarqueront comme membres d’équipage. Notre destination est incertaine. Nos conditions seront s?rement difficiles et notre sort demeure inconnu. Nous partirons sous le commandement des Gulls, ceux-là mêmes qui ont détruit ce monde. Ce n’est pas simple de l’admettre. Mais nous aurons une chance. Une infime, mais réelle chance de nous en affranchir. ?

  Il balaya du regard son audience, même si elle était éparpillée à travers la planète.

  ? Restez, et vous vivrez une existence sans risque, mais sans avenir. Partez, et vous affronterez l’inconnu, mais avec l’espoir d’un futur. ?

  Alan inclina légèrement la tête.

  ? Les places à bord du vaisseau sont limitées à 600. Cela signifie 60 équipages de 10 personnes. Peu importe le nombre de volontaires, une sélection rigoureuse par aptitudes sera menée dans chaque Base. Seuls les plus aptes auront la possibilité de partir. ?

  Il laissa un dernier silence s’installer avant de conclure :

  ? Quel que soit votre choix, je vous remercie. Et je vous souhaite du courage pour la suite. ?

  Alan quitta lentement la zone de transmission et jeta un regard vers Jennel. Celle-ci l’observait d’un air ironique.

  ? Quoi ? ? demanda-t-il, soudain sur la défensive.

  Jennel haussa un sourcil. ? Discours clair, précis et… très autoritaire. ?

  Alan soupira. ? Il fallait que je tienne mon rang. ?

  Jennel hocha la tête. ? Je te l’accorde. Mais ton discours était orienté. ?

  Alan s’arrêta et se tourna franchement vers elle.

  ? Comment ?a, orienté ? J’ai tout fait pour être franc, ne rien cacher. J’ai exposé les deux choix, sans artifice. ?

  Jennel le fixa un instant, puis lan?a :

  ? Si tu devais rester sur Terre, est-ce que tu considérerais ta situation comme un présent perpétuel dénué d’espoir ? ?

  Alan ouvrit la bouche pour répondre, mais hésita. Il réfléchit.

  "Peut-être, avec le temps, pourrait-on réunir les Survivants, trouver un moyen de cohabiter avec les nanites… mais c’est peu probable."

  Jennel croisa les bras. ? Et s’affranchir des Gulls, c’est plus probable ? ?

  Alan la regarda dans les yeux et répondit sincèrement :

  ? Non. ?

  Un silence s’installa. Puis il haussa les épaules.

  ? Mais il me faut 600 membres d’équipage. C’est beaucoup. ?

  Jennel éclata de rire. ? Voilà mon Alan enfin franc ! ?

  La navette d’Alan fendait le ciel glacé des Monts Ka?kar, survolant des crêtes enneigées et des vallées profondes plongées dans l’ombre hivernale. Les vents d’altitude faisaient danser la poudreuse sur les pics acérés, et le froid mordant semblait vouloir s’infiltrer jusque dans le vaisseau. Le paysage en contrebas n’était qu’un désert blanc et silencieux, strié de lacs gelés et de forêts moribondes englouties sous la neige.

  à travers les parois, Alan observait les montagnes s’étirer sous lui comme une mer figée, les sommets per?ant la brume hivernale dans un silence presque irréel. Par endroits, les glaciers reflétaient les faibles lueurs du soleil, contrastant avec les gorges sombres et profondes où le jour semblait ne jamais pénétrer.

  La Base apparut bient?t en contrebas, exposée, dépouillée de son champ d’invisibilité. Alan ressentit un bref pincement au c?ur en voyant les structures froides et métalliques dressées sur l'alpage balayé par le vent.

  Il amor?a la descente. La navette souleva un nuage de cristaux de glace lorsqu’elle se posa sur une aire extérieure verglacée. Le sol, recouvert d’une fine couche de givre, craqua légèrement lorsqu'il mit pied à terre.

  Un garde en faction, surpris, se redressa brusquement et se mit instinctivement au garde-à-vous. Le salut était militaire, formel, presque automatique. Alan esquissa un sourire intérieur.

  Dans la Base, l’arrivée d’Alan ne passa pas inaper?ue. Des regards se tournaient vers lui, certains l’interpellant respectueusement, d’autres osant même le féliciter. L’atmosphère, d’abord hésitante, se réchauffait à mesure qu’il avan?ait sur la grande place.

  Ingrid apparut dans son champ de vision. Alan s’arrêta, un sourire au coin des lèvres, et lui fit la bise.

  ? Tu as été formidable, ? murmura-t-il.

  Ingrid lui répondit d’un regard lumineux, où se mêlaient fierté et soulagement.

  Un peu plus loin, Rose lui ouvrit les bras, et Alan l’embrassa chaleureusement. Elle lui souffla à l’oreille :

  ? Bonne chance à tous les deux. ?

  Derrière elle, Maria-Luisa et Johnny observaient la scène avec émotion.

  ? Elle a un sacré mec, ? commenta Maria avec un sourire en coin.

  Johnny haussa les épaules. ? La pauvre… ?

  Alan se tourna vers eux, un air faussement sévère. ? Et vous ? ?

  Johnny lui lan?a un regard complice. ? On te suit, Chef ! ?

  Alan soupira en riant. ? Je le craignais. ?

  Plus loin, Imre attendait, immobile. Il hésita un instant, puis se redressa et déclara :

  ? Mes respects, Commandant. ?

  Alan le fixa un instant, puis demanda :

  ? Tu te souviens de Kaynak ? ?

  Imre hocha la tête.

  ? Alors j’aimerais que tu gères cette Base aussi bien que tu l’as fait à Kaynak avant que je ne vienne tout perturber. ?

  Il ordonna :

  ? Léa, je cède le commandement de cette Base à Imre. ?

  La voix synthétique de Léa confirma immédiatement :

  ? Changement de commandement enregistré. Imre est désormais l’autorité principale de cette Base. ?

  Imre resta un instant figé, comme s’il réalisait à peine ce que cela impliquait. Puis, lentement, il releva le menton et déclara :

  ? Quoi qu’il arrive aux équipages qui partiront avec vous, Commandant, ils auront le meilleur pour les sortir d’affaire. ?

  Alan n’eut pas le temps de répondre que Bob et Yael l’attendaient devant son slot.

  ? Si ton chemin n’est pas fini, alors le n?tre non plus, ? déclara Bob avec un sourire assuré.

  Alan hocha lentement la tête, touché par leur détermination. Puis il poussa la porte de son logement. Seul, il rassembla quelques maigres affaires pour Jennel et lui. Mais il y avait une chose qu’il ne quitterait jamais.

  Sa main effleura l’objet suspendu à son cou.

  Le seul souvenir qui comptait vraiment.

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