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Nouvelles des comptoirs

  ? Elle ne m’échappe jamais tout à fait ?, répond-il, glissant le paquet dans une sacoche de cuir usé posée sur la table. ? Et je ne compte pas la laisser faire. ? Mero lève les yeux, une lueur espiègle traversant son regard, ses doigts effleurant la sacoche dont les coutures fatiguées, marquées par des mois de voyages à travers les routes poussiéreuses et les mers agitées, racontent des histoires silencieuses. Le bureau où il se tient, niché dans l’aile ouest de l’école Impériale de Mor, est un refuge de calme au milieu du tumulte de la reconstruction. Les murs lambrissés de chêne sombre, polis par des décennies d’usage, exhalent une odeur de cire et de cuir ancien, tandis que des étagères croulent sous des volumes reliés aux dos craquelés et des cartes roulées aux bords jaunis, leurs encres fanées dessinant des rivages lointains. Une haute fenêtre à meneaux, encadrée de pierre brute, donne sur la cour intérieure où les pavés luisent encore de la pluie matinale, ses vitres légèrement embuées laissant filtrer une lumière pale qui éclaire la table encombrée de parchemins – rapports de travaux, esquisses de batiments, listes de ressources. Une cheminée de pierre noire, où des braises crépitent doucement, projette des ombres dansantes sur les murs, réchauffant l’air frais qui s’infiltre par les interstices des fenêtres mal ajustées.

  Un serviteur entre dans la pièce, ses bottes résonnant sur le plancher ciré avec un claquement discret. Vêtu d’une livrée sobre aux couleurs de l’école – gris et argent – il porte un plateau d’argent terni où repose une enveloppe scellée d’un cachet familier : le trident d’or entouré d’une couronne d’épices stylisées, emblème de l’entreprise d’import-export d’épices de Mero. ? Une missive de vos affaires, Votre Altesse ?, annonce-t-il avec une inclinaison respectueuse, déposant le plateau sur la table avant de se retirer, sa silhouette s’effa?ant dans l’ombre du couloir aux murs de pierre froide.

  Mero brise le sceau avec soin, dépliant le parchemin épais dont l’encre noire, légèrement brouillée par l’humidité d’un long voyage à travers les mers et les routes boueuses, porte des nouvelles qui assombrissent son regard. Les pirates à la tête de serpent, ces pillards qu’il croyait éradiqués par les efforts de son beau-père, ont ravagé son comptoir dans l’archipel de Sable-Gris, une série d’?les aux plages scintillantes et aux jungles denses nichées au nord des Montagnes Sanglantes. Le comptoir des Montagnes des Ténèbres, malgré un démarrage chaotique, s’est finalement implanté grace à des contrats commerciaux laborieusement négociés. Quant au comptoir avec le Royaume de Grosbill, un royaume énigmatique au centre du continent Loriwirien, les discussions diplomatiques restent en suspens, l’Empire n’ayant que peu d’informations sur ce peuple mystérieux.

  Le comptoir de Sable-Gris, un joyau commercial de son entreprise, reposait sur une ?le principale bordée de plages de sable blanc éclatant sous un soleil implacable, où des palmiers aux troncs inclinés projetaient des ombres mouvantes sur le sol doré. Les batiments, construits en bois blanchi par le sel et la chaleur, s’élevaient le long d’un quai de pierre usée par les vagues, leurs toits de palmes tressées abritant des entrep?ts aux murs épais où s’entassaient des sacs d’épices rares – cannelle aux ar?mes boisés, poivre noir aux grains luisants, safran aux fils d’or scintillant dans la pénombre. Des hangars aux charpentes robustes, leurs poutres renforcées par des cordages tressés, s’alignaient près de l’eau, leurs portes cintrées s’ouvrant sur des intérieurs où résonnaient les cris des marchands et le cliquetis des balances pesant les cargaisons. Les ruelles étroites, bordées de tavernes aux fa?ades délavées par les embruns, vibraient du murmure des bateliers et des rires des femmes aux tuniques colorées vendant des poissons séchés sur des étals de bois brut. Mais les pirates à la tête de serpent, leurs navires aux proues sculptées de reptiles aux écailles peintes en vert sombre, ont tout réduit en cendres – les entrep?ts sont désormais des carcasses fumantes, les quais jonchés de poutres calcinées et de cordages br?lés, les plages souillées par les débris de leur pillage. Ce revers, un coup dur pour ses ambitions commerciales, ravive une amertume que Mero peine à dissimuler, ses doigts se crispant sur le parchemin.

  En revanche, le comptoir des Montagnes des Ténèbres offre une lueur d’espoir. Niché au pied de pics sombres et déchiquetés, ce poste s’élève dans une vallée où les vents hurlent comme des esprits tourmentés, balayant des pentes rocailleuses striées de veines de minerai noir. Les batiments, construits en pierre brute extraite des falaises voisines, s’alignent le long d’un sentier escarpé, leurs toits plats couverts de chaume noirci par les pluies torrentielles qui dévalent les hauteurs en cascades boueuses. Les entrep?ts, aux murs épais renforcés par des poutres de bois noueux, abritent des sacs d’épices moins exotiques mais robustes – cumin terreux, coriandre aux graines brunes – protégés par des portes de fer forgé rouillé par l’humidité constante. Les ruelles, étroites et bordées de maisons basses aux fa?ades de pierre grise, résonnent des voix des marchands locaux, leurs tuniques épaisses tissées de laine brute les protégeant du froid mordant des hauteurs. Le début a été difficile – des tempêtes déversant des torrents d’eau qui ont inondé les sentiers, des tensions avec les tribus aux visages tatoués d’ocre et aux lances ornées de plumes blanches – mais des mois de négociations patientes, menées sous des tentes de peaux tendues au-dessus de feux fumants, ont abouti à des contrats commerciaux signés à la lueur des torches, scellant une présence stable dans cette région sauvage.

  Le comptoir avec le Royaume de Grosbill demeure un mystère plus complexe. Situé au c?ur du continent Loriwirien, ce royaume s’étend dans une plaine ocre où des tours de briques d’argile rouge s’élèvent comme des sculptures géantes sous un ciel br?lant, leurs fa?ades ornées de motifs géométriques complexes – spirales, losanges, lignes entrelacées – taillés dans la terre cuite par des artisans aux gestes précis. Les marchés couverts, aux toits d’adobe soutenus par des piliers massifs, résonnent des voix des marchands drapés de tuniques aux teintes terreuses – ocre, brun, rouge profond – leurs étals débordant d’épices inconnues aux parfums acres et de tissus aux couleurs vibrantes tissés sur des métiers de bois sculpté. Les rues, larges et bordées de maisons aux murs épais percés de fenêtres étroites, s’animent sous un soleil impitoyable qui dore la poussière soulevée par les caravanes de chameaux aux clochettes tintantes. L’Empire sait peu de choses sur ce peuple– un mélange de commerce florissant et de rituels anciens, où les chants gutturaux des griots se mêlent au grondement des tambours dans des cours aux murs d’argile. Les discussions diplomatiques, menées par des envoyés dans des salles aux plafonds vo?tés où br?lent des encensoirs de terre cuite, restent en suspens, un voile de mystère rendant chaque avancée incertaine. Le succès ou l’échec de cet accord pourrait ouvrir de nouvelles routes pour ses épices ou laisser ce marché insaisissable hors de portée, un enjeu qui pèse lourd dans les pensées de Mero.

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  Ces nouvelles le plongent dans une réflexion sur la fragilité des affaires dans un monde où les vents de la mer et les caprices des hommes peuvent renverser des mois de travail en une seule nuit. La ville de Mor, avec ses rues pavées bordées de maisons aux fa?ades de pierre claire encore en reconstruction, ses quais animés par le claquement des cordages et le cri des bateliers, et ses places où les habitants s’assemblent sous des auvents de toile délavée, semble bien loin des comptoirs ravagés et des royaumes énigmatiques qui occupent maintenant son esprit. Les batiments du quartier fluvial, aux murs de pierre ocre et aux toits de tuiles rouges, reprennent forme sous les efforts des artisans, leurs charpentes robustes s’élevant comme des phares d’espoir dans un paysage encore marqué par les cendres. Le fleuve, large et sinueux, scintille sous un soleil pale qui perce les nuages gris, ses eaux reflétant les silhouettes des grues de bois et des navires aux coques rapiécées, tandis que des saules pleureurs aux branches tombantes, plantés récemment le long des berges, ajoutent une touche de verdure apaisante à la ville renaissante.

  Mero décide alors de faire quelque chose qu’il entreprend rarement : écrire à son beau-père. Ce jour, marqué par une impulsion née des nouvelles troublantes, lui semble propice pour un tel geste. Assis à son bureau, entouré des murs lambrissés où les ombres des flammes dansent sur le bois sombre, il prend une plume et rédige une missive soignée, l’encre noire s’écoulant en lignes précises sur un parchemin épais légèrement jauni par le temps. La pièce, baignée par la lumière pale filtrant à travers la fenêtre à meneaux, exhale une odeur de cire chaude et de cuir ancien, tandis que le feu dans la cheminée crépite doucement, réchauffant l’air frais qui s’infiltre par les interstices. Les étagères, chargées de volumes reliés et de cartes roulées, encadrent la table encombrée de parchemins – rapports commerciaux, plans de reconstruction, et maintenant cette lettre qui prend forme sous sa plume avec une intention claire.

  Il commence par des mots de gratitude sincères, exprimant sa reconnaissance pour tout ce que son beau-père a fait pour lui. Il promet avec une ferveur retenue de faire de Mandarine la personne la plus heureuse du monde, un v?u qui lui tient à c?ur et qu’il sait résonner dans l’esprit de cet homme au regard sévère mais au c?ur tendre pour sa fille. Puis, il aborde les nouvelles plus sombres, ses mots pesés avec soin pour éviter d’alarmer outre mesure. Il mentionne que les pirates à la tête de serpent, ces ennemis héréditaires que son beau-père croyait avoir éradiqués, sévissent dans l’archipel de Sable-Gris, leurs navires aux proues sculptées de reptiles aux écailles peintes en vert sombre ravageant son comptoir et ses espoirs d’expansion commerciale.

  Il évoque avec une pointe de regret que leur présence l’a empêché de faire venir un cadeau qu’il destinait à Mandarine – un coquillage rare, brillant la nuit d’une lueur phosphorescente. Il l’imaginait déjà transformé en un bracelet délicat, ses éclats argentés dansant contre la peau de Mandarine sous les lanternes vacillantes de sa ville pirate, un symbole de leur lien forgé dans les tempêtes et les silences. Cette perte, bien que mineure face à la ruine du comptoir, ajoute une note personnelle à sa missive, une vérité qu’il partage avec une retenue calculée, ses mots glissant sur le papier comme une confidence murmurée dans l’ombre.

  Il conclut la lettre sur un ton calme et diplomate, évitant de s’appesantir sur l’incident ou de formuler une demande explicite d’aide. Il sait que son beau-père, un homme d’influence dont les navires sillonnent les mers de l’Océan Vert. Mais il préfère laisser cette possibilité en suspens, un murmure implicite dans ses lignes soigneusement tracées. Avant de sceller la lettre avec un cachet de cire marqué du trident de Sel, il la relit avec attention, ses yeux scrutant chaque mot dans la lumière vacillante des chandelles, l’odeur de la cire chaude emplissant la pièce aux murs lambrissés. Il ne veut pas para?tre faible – son orgueil d’héritier royal l’en empêche – mais il souhaite que son beau-père sache qu’il aborde ces défis avec sagesse et stratégie, tout en gardant Mandarine et leur avenir au centre de ses pensées.

  Les rues de Mor s’étendent au-delà des fenêtres du bureau, leurs pavés luisant sous la pluie fine, bordées de maisons aux fa?ades de pierre claire encore en reconstruction, leurs toits de tuiles rouges scintillant dans la lumière pale du jour déclinant. Les quais, animés par le claquement des cordages et le cri des bateliers, s’animent sous des entrep?ts aux murs ocre et aux charpentes robustes, tandis que le fleuve reflète les silhouettes des navires aux coques rapiécées et des grues de bois dressées comme des sentinelles. Les places, où les habitants s’assemblent sous des auvents de toile délavée, résonnent des voix des marchands et des enfants jouant près des saules pleureurs aux branches tombantes, leurs feuilles frémissant sous la brise venue de l’eau. Mais dans l’esprit de Mero, ces lieux se mêlent aux plages de sable blanc de Sable-Gris, aux ruines fumantes de son comptoir perdu, aux tours d’argile rouge du Royaume de Grosbill sous un ciel br?lant, et aux défis qui s’amoncellent comme des nuages sombres à l’horizon.

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