Le voyage de retour vers l’école Impériale de Mor se déroulait dans un calme relatif, chaque passager plongé dans ses propres réflexions. Le train glissait à travers des paysages vallonnés, où les champs de blé m?r, dorés par le soleil déclinant, ondulaient doucement sous une brise tiède. ?à et là, des bosquets de chênes et de hêtres, encore vêtus de leur feuillage estival, ponctuaient l’horizon, tandis que le ciel, d’un bleu pale strié de nuages légers comme des plumes, semblait s’étendre à perte de vue. Pour Mero, cette immensité n’apportait pas de réconfort ; elle soulignait au contraire la mélancolie qui s’insinuait en lui. L’excitation des festivités estivales, ces jours de rires et de liberté loin des murs austères de l’école, s’évanouissait peu à peu, cédant la place à une nostalgie douce-amère. L’été touchait à sa fin, et avec lui s’éteignaient les promesses d’insouciance qui avaient illuminé ces dernières semaines.
Assis près de la fenêtre, Mero laissait son regard errer sur le paysage qui défilait sous ses yeux. Les collines, aux courbes arrondies, se perdaient dans une brume légère à l’horizon, tandis que les ombres des arbres s’allongeaient sous la lumière déclinante de l’après-midi. à ses c?tés, Mandarine serrait sa main dans la sienne, ses doigts fins et chauds offrant une ancre dans ce flot de pensées. Elle aussi contemplait le panorama, son regard perdu dans les champs et les vallées qui s’étendaient au-delà de la vitre. Mero sentait qu’elle savourait encore ces instants de quiétude, consciente que leur retour à l’école marquerait le début d’une nouvelle période de devoirs et de responsabilités. Son profil, baigné par les reflets dorés du soleil couchant, rayonnait d’une sérénité qui contrastait avec l’agitation intérieure de Mero. Il admirait cette capacité qu’elle avait de s’ancrer dans le moment présent, même lorsque l’avenir se profilait, incertain et exigeant.
Derrière eux, Ki et Dorian, inséparables depuis l’annonce officielle de leurs fian?ailles, partageaient des rires étouffés et des murmures complices. Leurs voix, teintées de tendresse et d’excitation, formaient un contrepoint joyeux à la tranquillité ambiante. Mero les observait parfois du coin de l’?il, un sourire discret se dessinant sur ses lèvres. Leur bonheur était presque tangible, une lumière vive dans l’atmosphère feutrée du wagon. Il se surprenait à envier cette légèreté, cette assurance d’un avenir déjà esquissé dans leurs regards échangés. Plus loin, Sven et éléonore semblaient avoir trouvé un équilibre dans leur relation, bien que moins formalisé. Leurs mains se fr?laient par instants, leurs échanges silencieux trahissant une entente subtile mais profonde.
Hélène, en revanche, restait silencieuse, son regard fixé sur l’horizon. La rose blanche et le lys rouge qu’elle avait re?us avant leur départ de la capitale d’été semblaient peser sur ses pensées. Mero se demandait ce qui occupait son esprit : réfléchissait-elle encore à l’identité de celui ou celle qui les lui avait offerts, ou se laissait-elle simplement porter par la nostalgie des jours de fête ? Son visage était fermé comme voilé par un mystère qu’elle ne partageait pas.
Enfin, les tours imposantes de l’école Impériale de Mor émergèrent à l’horizon, leurs silhouettes sombres se découpant contre un ciel crépusculaire où les premières teintes d’orange et de violet se mêlaient. Le train ralentit, et avec lui, le c?ur de Mero se serra. Le retour à la réalité s’imposait, inéluctable. Dès leur arrivée, l’atmosphère changea du tout au tout. Le faste des palais et des banquets s’effa?a, remplacé par la rigueur académique et les intrigues subtiles qui régissaient l’école. Les étudiants, vêtus de leurs uniformes impeccables, se pressaient dans les couloirs, leurs pas résonnant sur les dalles de pierre polie. Les murs, ornés de portraits austères de professeurs émérites, semblaient scruter les nouveaux arrivants avec une froide autorité.
Mero descendit du train, le poids du quotidien reprenant sa place sur ses épaules comme une vieille cape familière. Mandarine le suivit, ses yeux balayant les environs avec une curiosité teintée d’appréhension. Elle savait qu’elle devrait bient?t repartir, mais avant cela, il leur restait encore un peu de temps, une dernière soirée peut-être, avant que la routine ne les engloutisse. Mero lui lan?a un regard, cherchant à capter son attention.
"Mandarine," dit-il doucement, sa voix presque avalée par le brouhaha de la gare, "veux-tu faire un tour en dirigeable ? C’est une invention encore en développement dans le laboratoire de recherche de l’école."
Elle fron?a les sourcils, intriguée. "Un dirigeable ? C’est une sorte de bateau volant ?" demanda-t-elle, une lueur de curiosité dans les yeux.
Mero hocha la tête, un sourire amusé aux lèvres devant sa comparaison. "Oui, en quelque sorte. C’est encore un prototype, mais il fonctionne. Il ne parcourt pas de longues distances, mais il vole. Et il offre une vue incroyable sur la ville et le fleuve."
Les yeux de Mandarine s’illuminèrent, un éclat d’excitation traversant son regard. "Alors pourquoi est-ce qu’on perd du temps à parler ? Montre-moi ce bateau volant !"
Il éclata de rire et l’entra?na à travers les couloirs de l’école Impériale, leurs pas résonnant dans les vastes halls aux plafonds vo?tés. Les murs, tapissés de bois sombre et décorés de fresques illustrant des batailles historiques, semblaient les accompagner dans leur hate. Grace à son statut et à ses relations avec certains ingénieurs, Mero obtint rapidement l’autorisation d’accéder à l’aire d’expérimentation située sur les toits de l’école.
Le dirigeable était amarré sur une plateforme surélevée, son long ballon gonflé de gaz flottant doucement dans la brise du soir. La nacelle, suspendue en dessous, était équipée de moteurs rudimentaires et d’un gouvernail en bois poli. Mandarine l’observa avec une fascination presque enfantine, tournant autour de l’engin, ses doigts effleurant les cordages tendus et les plaques métalliques avec une prudence mêlée de respect. "?a a l’air… fragile," murmura-t-elle, une pointe d’hésitation dans la voix, "mais si ?a vole vraiment, je veux essayer."
Support the creativity of authors by visiting the original site for this novel and more.
L’ingénieur responsable, un homme aux cheveux grisonnants et aux lunettes rondes perchées sur le bout du nez, leur expliqua brièvement les bases du fonctionnement avant de les autoriser à monter à bord pour un vol d’essai supervisé. Mero aida Mandarine à grimper dans la nacelle, ses mains fermes la guidant avec assurance. Une fois installés, le dirigeable se détacha lentement du sol, s’élevant avec une douceur qui surprit même Mero. Mandarine agrippa son bras, ses yeux écarquillés d’émerveillement alors que l’école et la ville s’éloignaient sous leurs pieds.
"C’est… incroyable," souffla-t-elle, le vent jouant dans ses cheveux noirs, les faisant danser comme des vagues sombres sur un océan invisible.
La vue était à couper le souffle. La ville de Mor s’étendait sous eux comme une tapisserie vivante, ses toits de tuiles rouges et ses cheminées fumantes formant un patchwork coloré sous la lumière déclinante. Le fleuve, serpent d’argent scintillant sous les derniers rayons du soleil, traversait la cité en méandres paresseux, ses berges bordées de quais animés où des bateaux déchargeaient leurs cargaisons. Au loin, les montagnes se dressaient, majestueuses et silencieuses, leurs sommets encore couronnés de neige captant les reflets dorés du crépuscule. Mero sentit une bouffée d’excitation monter en lui, mêlée d’une étrange sérénité face à cette beauté presque irréelle.
"Imagine," dit-il doucement, sa voix portée par le vent léger, "un jour, ces engins pourraient traverser l’Empire de part en part, survoler les mers, atteindre des ?les encore inconnues…"
Mandarine se tourna vers lui, un sourire malicieux illuminant son visage. "Si c’est le cas, tu me promets que je serai la première à voler jusqu’à l’?le papillon avec toi ?"
Il prit sa main et la serra doucement, ses doigts s’entremêlant aux siens. "C’est une promesse."
Le dirigeable poursuivit son vol silencieux, planant au-dessus de la ville alors que la nuit commen?ait à tomber. La lueur dorée qui baignait Mor se mua peu à peu en un voile indigo, et les premières étoiles percèrent timidement le ciel assombri. En contrebas, les lampes à gaz s’allumèrent une à une dans les rues, transformant la cité en un ciel étoilé inversé. Mero et Mandarine observaient ce spectacle, captivés par la beauté de cette ville qui semblait ne plus jamais s’endormir, ses artères vibrant d’une énergie incessante.
"Cette ville ne dort plus," murmura Mandarine, sa voix empreinte de fascination.
Mero acquies?a, les yeux fixés sur les lueurs qui dansaient en bas. "Il fut un temps où la nuit appartenait au silence, où seules quelques lanternes guidaient les gardes et les voyageurs égarés," dit-il. "Maintenant, la ville vit à chaque instant."
Mandarine s’appuya contre lui, son épaule fr?lant la sienne, son regard perdu dans les ruelles animées en contrebas. "Ce n’est pas comme chez nous," souffla-t-elle, une pointe de nostalgie dans la voix. "Sur mon ?le, la nuit est encore une vraie nuit. Juste le bruit des vagues et du vent… Parfois, j’ai peur que ces lumières finissent par tout effacer."
Mero serra sa main un peu plus fort, percevant l’inquiétude qui per?ait dans ses mots. "Tant qu’il y aura des étoiles et la mer, il y aura toujours un endroit pour rêver loin des lumières de la ville," la rassura-t-il, sa voix douce mais ferme.
Elle leva les yeux vers lui et sourit, un sourire qui chassa l’ombre de ses doutes. Le dirigeable amor?a lentement sa descente vers l’école, le bourdonnement discret des moteurs accompagnant leur retour à la réalité. Mais avant que les pieds de Mero ne touchent à nouveau le sol, il prit un instant pour graver cette image dans sa mémoire : la ville scintillante en contrebas, Mandarine à ses c?tés, et l’immensité du ciel déployée au-dessus d’eux. Peu importe ce que l’avenir leur réservait, cette nuit resterait un joyau précieux dans son esprit.
De retour à l’école, ils se dirigèrent vers la suite de Mero, un havre de paix niché au c?ur de l’agitation académique. Les couloirs, éclairés par des appliques murales diffusant une lumière chaude et tamisée, étaient presque déserts à cette heure tardive.
Mandarine, avec un sourire énigmatique, annon?a qu’elle avait un dernier cadeau pour lui. Sans ajouter un mot, elle s’éclipsa dans la salle de bain, laissant Mero seul avec ses pensées. Il s’assit sur le bord du lit, les yeux fixés sur la porte close, son c?ur battant d’une anticipation qu’il peinait à dissimuler. Une heure s’écoula, chaque minute s’étirant comme une éternité, jusqu’à ce que la porte s’ouvre enfin.
Mandarine se tenait là, vêtue d’une nuisette en satin rose qui épousait ses formes avec une élégance provocante. La lumière douce de la pièce jouait sur le tissu soyeux, accentuant son éclat, tandis que ses joues, légèrement rosées, trahissaient une timidité mêlée d’une assurance espiègle. Elle ne dit rien, laissant le silence chargé d’émotion parler pour elle, ses yeux verts pétillant d’une lueur taquine.
Mero sentit son c?ur s’emballer, un mélange de désir et de tendresse l’envahissant comme une vague. Il se leva lentement, s’approchant d’elle avec une douceur mesurée. "Tu es… magnifique," murmura-t-il, sa voix rauque d’émotion.
Elle sourit, un sourire mutin qui illumina son visage. "Je voulais juste voir ton visage quand tu me regarderais comme ?a…" souffla-t-elle, ses doigts effleurant la main de Mero avec une légèreté presque irréelle.
Il la prit dans ses bras, et leurs lèvres se trouvèrent dans un baiser passionné, profond et br?lant. Le monde autour d’eux s’évanouit, ne laissant que la chaleur de leur étreinte, la douceur de leurs souffles mêlés. Mandarine se serra contre lui, son corps tiède sous la fine étoffe de satin, et Mero sentit chaque courbe, chaque frisson qu’il provoquait en elle. Leurs mains explorèrent avec une délicatesse infinie, savourant chaque caresse, chaque soupir. Ils respectaient leur promesse, mais cela ne rendait pas ces instants moins intenses. Chaque toucher était un serment silencieux, une promesse d’avenir, une attente à la fois délicieuse et frustrante.
Lorsqu’ils s’allongèrent ensemble sur le lit, Mandarine nicha sa tête contre l’épaule de Mero, son souffle apaisé caressant sa peau. "Un jour…" murmura-t-elle, sa voix à peine audible dans le silence de la nuit.
Mero serra ses doigts dans les siens, un sourire tendre aux lèvres. "Un jour, oui." Mais pour l’instant, cette nuit leur appartenait, tissée de douceur et de complicité.
Ils passèrent un long moment à se caresser, leurs gestes devenant de plus en plus intimes, explorant les limites de leur désir sans jamais les franchir. Chaque mouvement était une danse, un équilibre subtil entre séduction et retenue, jusqu’à ce qu’ils atteignent leur propre seuil. épuisés mais comblés, ils s’endormirent dans les bras l’un de l’autre, enveloppés par la nuit complice.
La nuit les enveloppa dans sa douceur, un silence paisible seulement troublé par leurs souffles entremêlés. Mandarine, blottie contre Mero, irradiait une chaleur réconfortante, son parfum mêlant sel et fleurs sauvages emplissant l’air. Mero sentait son c?ur battre calmement sous ses doigts, apaisé après leur étreinte passionnée. Le désir, toujours présent, s’était mué en une tendresse profonde, un cocon de chaleur et de sérénité. Il savourait cet instant, conscient de sa rareté et de sa beauté. Dans cette chambre, loin des intrigues, des devoirs et des responsabilités, il n’y avait qu’eux.
Avant de sombrer dans le sommeil, il sentit les lèvres de Mandarine effleurer son cou, un dernier baiser avant que la nuit ne les emporte. Et dans cet instant suspendu, il sut que, peu importe les épreuves à venir, il l’aimerait toujours.